La chute du faucon même pas noir

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« L’homme souffre si profondément qu’il a dû inventer le rire« , affirme le philosophe Nietzsche. J’avoue qu’hier, vers environ 9h01, je soufrais si profondément que j’ai oublié de rire à la blague de Friedrich Wilhelm le prussien. Arrivé avec une minute de retard à mon premier rendez-vous de la journée, impardonnable, je me précipite vers l’entrée, je mets un pied sur le carrelage givré comme un SDF laissé dehors un soir de février, et décollage immédiat, double lutz avec boucle piquée et atterrissage sur la main. Résultat du jury : 9/10 en note artistique et une fracture du cubitus. Hilarant ! « Je me presse de rire de tout, de peur d’être obligé d’en pleurer« , lance Figaro à son maître dans Le Barbier de Séville de Beaumarchais. Il voulait certainement dire par là, et pourquoi n’irait-il pas par-là, que prendre les événements de manière détachée, en plaisantant, permet, avec le recul qu’implique l’humour, de mieux les supporter.

Sur le coup, franchement, bien que gisant, j’eusse préféré un bon antalgisant. Même le parti pris de rire de tout a ses limites. Pierre Desproges fixe parfaitement les limites de l’humour : on peut rire de tout, mais on ne peut pas rire de tout avec n’importe qui, surtout si ce n’importe qui est soi-même ? Tout est question d’équilibre, et pas seulement d’équilibre sur un carrelage glacé. Je tiens à préciser qu’à cette heure matinale, je n’étais pas noir, même pas grisé. L’équilibre entre le parti d’en rire et le respect de la dignité humaine est donc difficile à tenir, surtout les fesses en l’air et l’air d’un vrai con de surcroit, un faucon, lui, aurait toujours pu s’envoler. S’il est vrai que l’on rit facilement des autres, il est plus difficile de rire de soi-même. L’humour est bénéfique, il permet de prendre du recul sur les événements et permet d’en désamorcer la gravité. Finalement, rien de très grave, un plâtre pour 2 ou 3 semaine, des mouvements plus difficiles, une incapacité à ouvrir une bouteille, mais pas à boire son contenu, et un amour-propre entamé. Ce sera ma chute, puisque le poète a dit : « L’amour-propre n’est, les trois quarts du temps, que de la dignité en plâtre« .

Une réponse sur “La chute du faucon même pas noir”

  1. Bon, ben visiblement, ça ne t’empêche pas de pianoter sur le clavier ! Quant au cerveau, il n’a pas l’air plus atteint que d’habitude !
    Par ailleurs, je suis bien de ton avis : « avoir le sens de l’humour » ne consiste pas (seulement) à faire rire les autres, mais bien à accepter avec bonhomie que les autres rient de soi. Rien n’empêche d’ailleurs de se prendre momentanément pour un autre…
    Du coup, le nombre de personnes pourvues d’un réel sens de l’humour décroît considérablement ! 🙂

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