C’est quand le bonheur ?

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Ça y est, la fin de l’été pointe déjà son nez, la rentrée est au coin de la rue. Il va falloir repartir au turbin, rentrer dans le rang et se rasseoir devant son verre à moitié plein ou à moitié vide, ce sera selon votre humeur et votre propension à vouloir être heureux. Être heureux est l’aspiration prioritaire de tous, très loin devant trouver le sens de la vie, devenir riche, gagner la coupe du monde de foot ou encore s’assurer le paradis, avec ou sans les 72 vièrges. Il parait même que c’est à soixante ans qu’on est le plus heureux. Ça tombe bien, je viens de les avoir et si vous avez deux ou trois plombes devant vous, je peux vous faire la liste des choses qui me rendent heureux. Ma famille, mes amis, mon boulot, enfin pas tous les jours, un Meursault bien frais, un solo de Gilmour, une redif de Gran Torino, un bon match de foot, un plat de Carbonara bien poivré, un Côté Rôtie marquée par la pierre, pousser la porte d’une boulangerie quand le pain sort du four, une partie de pétanque sous le cagnard, recevoir un compliment et ne pas le mettre en doute, profiter des premiers coups de froid pour hiberner sous la couette devant confession intime, offrir un cadeau sans raison particulière, manger du chocolat à la noisette, jouer avec du papier bulle, cuisiner des souris d’agneau, une bonne BD, une soirée entre soiffards, un foie de veau purée, ouvrir un œil le matin, regarder le réveil et me rendormir aussi sec. Je pourrais continuer comme ça très longtemps mais se serait vite chiant.

Toutes ces choses, insignifiantes ou importantes, mise bout à bout forment elles ce que certains appellent le bonheur ? Je n’en sais rien. Je n’ai aucune idée du bonheur. Le malheur vous tombe dessus comme une merde de pigeon. Le bonheur est là, quelque part et il faut le saisir et s’y tenir comme un morpion apeuré se cramponne à la touffe d’une vieille minette parisienne. La déforestation galopante et impitoyable des poils pubiens sous toutes les latitudes, c’est le malheur et l’extermination du morpion. Il va falloir envisager la réintroduction du morpion chez les dernières velues. Le bonheur ne fait pas de bruit, c’est un choix, celui de ne pas croire en Murphy et sa Loi à la con qui voudrait que tout ce qui est susceptible de mal tourner, tournera mal. Le bonheur n’a pas de secret, il ne s’explique pas, ne s’enseigne pas, ne s’attrape pas comme un papillon, un dahu ou une gonorrhée. Socrate disait que le bonheur, c’était le plaisir sans remords. Perso, je pense que le bonheur est contagieux, pour être heureux, il suffit parfois de s’entourer de visages heureux et de quelques flacons de bonheur.

A la table des soiffards, il y plusieurs sortes de bonheur, les tranquilles, blancs ou rouges, rarement rosés et ceux qui se coincent la bulle, les vins de fêtes, le Champagne. La cuvée Substance d’Anselme Selosse est un vrai beau bonheur, une Soléra démarrée en 1986. Une cuvée avec une forte personnalité, un voyage émotionnel, riche en arômes, nombreux et complexes, une bouche tendue, vive et une longueur époustouflante. Le Clos Sainte Hune 2004 du Domaine Trimbach est l’archétype du grand Riesling Alsacien, agrumes, fruits exotiques, mandarine, gentiane, bouche tendue comme une arbalète, finesse, richesse et longueur. Que du bonheur. On s’attaque au Jura avec deux parcelles rares du Domaine Labet, les champs rouges 2014, un beau Chardonnay et « en Chalasse » Fleur de Savagnin 2015, un savagnin ouillé, intense, très floral, complexe, avec de belles notes d’amande et de noisette. La bouche est riche et vive et termine sur de belles notes d’épices. Rayas 2005 a un nez sur la poire William, la mirabelle et l’anis. La bouche est équilibrée, assez fine, pas une grosse acidité, mais suffisamment pour tenir une belle finale, longue et florale.

Le Lavaux St Jacques 2010 de Claude Dugat est un excellent vin, mais Le Chambolle-Musigny Les Cras 2009 du Domaine Roumier est un ton au-dessus.  Riche et ample, plus profond, terreux et fruité, le plaisir est décuplé. On quitte la Bourgogne pour le Rhône, certains se sont fait piéger, la Côte Blonde 2004 du Domaine Rostaing a la finesse des grands bourgognes, mais aussi, la minéralité, la violette et la force propre aux grandes Syrah d’Ampuis. Le Cornas « les Reynards » 2006 de Thierry Allemand est plus classique, mais tout aussi proche du bonheur. Parfois, quand on attend trop du bonheur, il ne se livre pas immédiatement. C’est le cas de ce Château Lafite Rothschild 2002, loin de ce que l’on espère d’un seigneur de Pauillac. Pourtant en écrivant ces lignes, deux jours plus tard, je constate qu’il reste un verre dans la bouteille, un verre qui sent le tabac blond, le cassis, l’encre et la menthe fraiche. La bouche n’est pas très en place, légèrement dissocié, pas très longue, mais pas désagréable non plus. Parfois, il faut se contenter d’un petit bonheur.  Alors, c’est quand le bonheur ? IL faut attendre combien de temps pour en profiter pleinement ? 30 ans, c’est bien ? En ce qui concerne les Barolo, les vieux piémontais parlaient de vieux lion endormi. Après 30 ans, le fauve s’est réveillé et rappelle qui est le roi. Le Barolo « La Serra » 1988 de Roberto Voerzio possède tous les atouts d’un grand vin. C’est un cadeau, d’arômes tertiaires musqués, de prune, de tabac, de livèche, d’herbes fraiches, de roses séchées et de fines notes de chocolat. La bouche est profonde, les tannins souples, la longueur magnifique. Le bonheur est parfois un vieux souvenir. Sandscrup 2003 du Domaine Rusden est aussi un souvenir, le souvenir d’une belle rencontre avec un vigneron Australien qui mitonne un des plus grands bonheurs australiens. Les milles et une nuits noires de la Syrah. C’est oriental, épicé, sur la myrtille, le cassis, la mine de crayon, le cigare, le chocolat, l’eucalyptus, on voyage entre l’inde et l’Australie. C’est onctueux, sensuel et surtout plaisant. Il y a de la magie noire dans cette syrah du bout du monde. Le bonheur est parfois très lointain, il faut voyager pour le trouver.

Pour atteindre le nirvana, il ne suffit pas de sentir le white spirit (blague interdite depuis la mort de Kurt Cobain), il faut être prêt à tout, enfin, pas à entendre les gourous et du bien-être, tous ces charlatans qui promettent le bonheur en 10 jours et qui vous le vendent à crédit. Je suis prêt à tout, sauf à les comprendre ! Je n’aime pas Le Pen, et pourtant j’aime mon stylo … Je suis prêt à rien, sauf à faire la moue, prendre mes jambes à mon cou pour fuir dans le bayou.  Pas de retour, pas de détours et encore moins à celui de l’âge que des cons ont qualifié de raison. Le bonheur, c’est la cocaïne du 21è siècle. Pour vivre heureux, il faut cesser de vouloir l’être. Se moquer du bonheur est sans doute la condition d’une vie heureuse. L’hédonisme contemporain, marqué du sceau du toujours plus, porte en lui l’insatisfaction qu’il prétend guérir. Paradoxe tragique ! Nous sommes la première civilisation à se rendre malheureuse de ne pas être heureuse. Il ne faut pas confondre ivre de bonheur et ivre de bonne heure.

3 réponses sur “C’est quand le bonheur ?”

  1. Ah ben c’était une soirée mythique.
    Il appelle ça un BBQ, le Psykopat, c’est vous dire !
    Faut dire que comme toujours, la bouffe était à la hauteur…
    Beaucoup de grandes quilles. Très heureux d’avoir retrouvé Ste-Hune au sommet de ce qu’on peut faire avec le Riesling. Un coup de cœur pour la blonde de Rostaing, tout en délicatesse. Des valeurs sûres toujours au top (Allemand, Rayas, Rusden, Selosse), la Bourgogne toujours merveilleuse et le Jura magnifique. Et puis un somptueux Voerzo, doux et riche comme un grand Conterno.
    Merci Pat : que du bonheur !

  2. Nous le savons tous, on risque de plus en plus gros si on se fait contrôler positivement en rentrant chez soi après une soirée un peu arrosée, chez des amis ou au restaurant.

    Eh bien, j’ai passé une très agréable soirée avec soiffards et comme d’hab’: des vins, de très bons vins, et des très très bons vins pour terminer en beauté.

    Au moment de prendre congé de mes hôtes, malgré le fait que je me sentais parfaitement bien après tout ce que j’avais ingurgité, j’ai eu la clairvoyance de penser que j’avais peut-être dépassé la limite permise.

    Alors, pour la première fois dans de telles circonstances, j’ai pris un bus pour rentrer chez moi.

    Heureusement d’ailleurs, car sur la route pour rentrer à la maison, il y avait des policiers qui filtraient les véhicules et faisaient souffler les conducteurs dans le ballon.

    Mais, voyant le bus, les policiers ont fait signe de passer et je suis arrivé chez moi sans incident…

    C’était vraiment une surprise, car je n’avais jamais conduit de bus auparavant.
    D’ailleurs, je ne me souviens plus vraiment où je l’ai pris…
    Et maintenant, suis un peu emmerdé, il est devant ma porte et je ne sais plus quoi en faire..

  3. Merde, c’est mon bus à vins, je ne savais plus où je l’avais mis ….
    Je pensais qu’il était encore dans mon lit (oui, je dors avec mon bus)

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