En attendant les monstres

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« Quand le monde ancien tombe et que le monde nouveau ne s’est pas encore relevé, s’ouvre le temps des monstres« . Nous sommes entrés dans une période de grande insécurité. Ceux que certains prennent pour une période de paix, surtout dans les pays industrialisés et donc riche, est en réalité, une période en suspend.  Nous sommes suspendus à l’annonce du retour des monstres. Les guerres n’ont pas disparu, elles passent sous silence, les terroristes terrorisent toujours, mais loin des télévisions, les migrants migrent toujours et leur migration n’est vu que d’un œil, celui du politique avant celui de l’humanitaire. La planète s’assèche doucement et dans l’indifférence presque totale. J’ai le sentiment que, tous, nous attendons le monstre. Nous sommes en cellule, seul, nous protégeons notre petite cellule sans penser à protéger les autres, ceux qui ne partagent pas nos idées, nos valeurs, mais qui vivent sur la même planète et respirent le même air. Nous ne voyons le monde que d’un seul œil. Nous sommes tous des cyclopes.

Voir le monde d’un seul œil, sans perspectives, sans profondeur, nous rend aveugle, incapable d’en apprécier la beauté. Dans l’Illiade, quand Ulysse et ses compagnons parviennent au pays des Cyclopes, ils ont franchi d’invisibles frontières, sans le savoir, ils sont dans l’âge d’or : « Nous parvînmes au pays des Cyclopes, orgueilleux sans lois qui, confiants dans les dieux immortels, ne plantent pas de leurs mains ni ne labourent. Ils n’ont pas d’assemblée où l’on délibère des lois, ils habitent le sommet de hautes montagnes, dans des grottes profondes et chacun y dicte sa loi à sa femme et à ses enfants sans s’occuper des autres« . Ce monde abrite des géants monstrueux ne possédant qu’un œil, méprisant la civilisation et ses règles. Le cyclope ne craint pas les dieux, il se nourrit de chair humaine et va jusqu’à rejeter les lois sacrées. Ulysse veut tuer le monstre, mais le géant a refermé la grotte avec un énorme rocher qu’Ulysse et ses compagnons ne peuvent déplacer. Il va donc ruser. Il va faire face au monstre, lui faire boire son meilleur vin, un vin exceptionnel, un nectar divin. Il enivre le cyclope et lui dit qu’il s’appelle « Personne« . Saoul, le cyclope s’endors et Ulysse et ses compagnons trouvent le courage de grimper sur le géant, et de lui crever l’œil à l’aide d’un tronc d’olivier. Fou de douleur, Polyphème hurle, ce qui a pour effet immédiat de réveiller les autres cyclopes vivants alentour. Ceux-ci lui demandent ce qu’il a et qui le fait souffrir ainsi, et Polyphème de répondre : « C’est Personne » ! Ulysse et ses compagnons réussissent à s’enfuir. Le cyclope, fils de Poséidon, réclame alors à son père vengeance, et demande qu’Ulysse ne rentre jamais chez lui. Cette malédiction lancée par Polyphème va changer le cours des aventures d’Ulysse. Poséidon le punit d’avoir jeté son fils dans la nuit, Ulysse sera à son tour projeté dans un monde nocturne, obscur, terrible, peuplé de monstres infernaux, de créatures gigantesques et de divinités malveillantes.

Par ce récit, Homère nous enseigne que, contre la barbarie, contre les monstres, il faut user de la ruse, de moyens dont la finesse échappe à la barbarie. Contre la force, il faut user d’esprit. Les monstres d’aujourd’hui, n’ont rien à envier aux cyclopes d’hier, ils en sont les descendants. L’œil du cyclope, c’est une vision unique du monde. Autocentré et fasciste. Hier comme aujourd’hui, l’œil du cyclope, c’est l’œil de la barbarie, du meurtre et de la dictature. Le cyclope est une invention humaine, une forme cauchemardesque du pouvoir. Les nouveaux cyclopes en ceci de pervers, qu’ils s’adossent à notre besoin de bien-être pour nous dévorer. Les nouveaux cyclopes, assoiffés de pouvoir, sont aveugles et sourds aux oracles que sont le réchauffement climatique, la disparition des espèces animales et tous les autres mauvais augures. En surconsommant, nous sommes complices des nouveaux monstres, trop attaché à notre confort, nos voitures, nos côtes de Bœuf. Jadis, face aux cyclopes, surgissaient les paons. Argos, celui qui voit tout, avait cent yeux et les avait transférés sur les plumes du paon. Ces paons qui, dotés d’une force gigantesque, étaient le rempart aux cyclopes. Aujourd’hui, les liens incestueux que tissent les paons politiques, le pouvoir, les médias et l’argent nous font craindre un temps où s’accomplirait l’alliance monstrueuse entre les paons et les cyclopes. L’un imposant ses lois économiques, l’autre imposant sa force brutale. Comme si le paon avait cent yeux, mais ne regardait plus que d’un seul œil. Face à la trahison des paons, où sont les compagnons d’Ulysse, où sont les foudres de Zeus ?

2 réponses sur “En attendant les monstres”

  1. T’as enfin lu mon bouquin toi !
    De là à t’attaquer à la côte de bœuf , je ne pensais pas qu’il te marquerait autant…

  2. On est tous coincés dans une auto qui fonce dans le mur et la seule chose qui nous viens à l’esprit, c’est que la musique est bonne, bonne, bonne ….

    Désolé pour la côte de bœuf, tonnerre de Zeus …

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