L’Anglais sur le goût de la langue

J’ai trois souvenir de mon dernier passage à Londres. Mind the gap, la cuisine Pakistanaise et la cruelle absence de bon vin. Mind the Gap between French and British cultures ! Oui, un fossé sépare les Français de leurs cousins Grands Bretons. Même si nos histoires se sont mêlées et entremêlés, même si une heure d’avion nous sépare, les Froggies et les Rosbifs n’ont pas grand-chose en commun et surement pas la gastronomie. Si tu traverses la manche pour boire des bières ou du Earl Grey, voir la reine à Buckingham, Big Ben, la Tour, le Bridge, Hyde Park, la city et son cornichon magique, le métro de Coven Garden et ses escaliers interminables, pendre le bus jusqu’à Portobello Roadster, tout va bien. Si tu y vas pour boire et manger, c’est l’horreur !

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La fascination du charmeur de serpent

Fascination est l’un de mes mots préférés, comme hypnotique, obsession, énigmatique, concupiscent, anachorète, cénobite, sycophante, jaculatoire, nyctalope, putatif ou camerlingue. J’aime être fascinée. J’aime les mots compliqués et les choses simples. La fascination apporte un mélange de rêve et d’abandon confiant. La fascination peut mener au meilleur comme au pire, elle entretient la passion, mais le risque est de perdre son libre arbitre, sa volonté, comme la paralysie saisit la victime d’un charmeur de serpent. Ça tombe bien, nous sommes justement réunis chez un charmeur de serpent, un toqué de la tocante, le Quasimodo du carré de bœuf. Des steppes de Géorgie, des pentes de l’Etna, des hauteurs du Golan, des croix de Bourgogne ou des coteaux de Champagne, il a arpenté le monde pour entretenir notre fascination du vin. Dans ce Panthéon dionysiaque, la table est tout aussi importante, elle accompagne le plaisir de boire, elle permet d’établir un lien entre ce plaisir et l’objet du plaisir. Et en parlant d’objet du plaisir, puisqu’on n’est pas là pour être ailleurs, on commence par quelques Champagnes pour rendre un hommage à Jacques, qui nous fait remarquer deux, trois pendus attablés qui sont venus sans cravate.

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Suivre son étoile, pas le troupeau

Au cœur du Mâconnais, un petit village s’appelle Chardonnay. On dit qu’il serait le berceau du cépage du même nom. La légende dit même que c’est les Croisés qui l’auraient ramené de leurs voyages. Pour que la vérité rattrape le terrain perdu sur la légende, il a fallu qu’une équipe de chercheurs de l’Université de Californie démontre qu’il est issu d’un croisement entre le pinot noir N, bien connu en Bourgogne et le gouais B. Il appartient donc à la famille des Noiriens. En France, le chardonnay est le cépage qui préside à la naissance des grands blancs bourguignons, il fait aussi partie du paysage champenois, des vignobles jurassiens et de quelques autres régions. Les vins issus de Chardonnay sont des vins amples et élégants aux arômes fins et fruités. Les arômes varient selon les terroirs : miel, beurre en Côte d’Or, pierre à fusil, fruits blancs à Chablis. Les champagnes blancs de blanc développent eux des arômes de pain grillé, brioche, de noisette et d’agrumes.

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Le miroir aux alouettes

Cette expression prend sa source dans la chasse. C’est un type de piège qu’utilisaient les chasseurs pour piéger les oiseaux. Le piège, un morceau de bois en forme d’oiseau, était constellé de petits morceaux d’un miroir, en agitant ces objets, les chasseurs attiraient de nombreux oiseaux, qu’ils n’avaient alors plus qu’à attraper au filet. La raison de cette attirance est simple : certaines espèces d’oiseaux, parmi lesquels l’alouette, ont une sensibilité inhabituelle à la lumière. Leur œil, alors attiré par ces rayons multiples, les emmène droit dans le piège des chasseurs. Triste fin pour l’oiseau chanteur.  Le miroir aux alouettes est un piège qui vous amène à un endroit où vous ne voulez pas être. Cela signifie donc que vous vous êtes fait berner.

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Éloges de l’injustice

Selon Schopenhauer, c’est l’injustice qui est première. Sans elle, l’idée de justice serait inutile. On ne parlerait jamais de droit, s’il n’y avait jamais d’injustice. L’idée de justice n’existe, au fond, qu’à partir du moment où il y a un sentiment d’injustice. C’est uniquement de l’égoïsme de l’homme et de sa générosité limitée, que la justice tire son origine. Mais, qu’appelle-t-on injustice et comment se fait-il qu’il puisse y avoir un sentiment qui y soit attaché ? Si la domination est naturelle, le sentiment d’injustice ne serait-il pas simplement le ressentiment abusif des dominés ayant l’impression qu’ils ne sont pas à leur place, alors que cette place est dictée par la nature ? C’est comme si les petits poissons trouvaient injuste d’être avalés par les gros. Par nature, les poissons sont déterminés à nager, les gros à manger les petits en vertu d’un droit naturel. Est-ce pareil chez les humains ?

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Je suis heureux … j’ai raté ma vie

Je m’présente, je m’appelle Henri, j’voudrais bien réussir ma vie, être aimé, être beau gagner de l’argent, puis surtout être intelligent, mais pour tout ça il faudrait que j’bosse à plein temps. Et c’est bien là que se situe le problème, je ne suis pas chanteur comme Balavoine ou Bernard Tapie. Mais qu’est-ce qu’une vie réussie ? Qu’est-ce qu’une vie bonne pour parler comme les philosophes antiques ? Sur quel critère est-il possible de se dire que l’on a vécu une belle vie, comme le chantait Sacha Distel ? Il existe mille et une façons de réussir sa vie et presque autant de la rater… Nos vies ressemblent bien souvent à des réussites en demi-teinte ou des moitiés de raté, le verre à moitié plein ou à moitié vide, des ratages en clair-obscur, entre gris clair et gris foncé, comme le chantait Jean-Jacques Goldman…

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Où sont les neiges d’antan ?

C’était mieux quand c’était mieux avant, me disait, avec philosophie, « Djénifeur », ma shampouineuse, tout en me malaxant frénétiquement le crâne. Passé le fait qu’elle a juste 16 ans et qu’elle confonde Proust et Gérard de Villiers, elle coupe les cheveux en quatre et pense que le travail, c’était mieux avant, que Cabrel, c’est mieux que Nirvana et que les hommes politiques d’avant, ils savaient parler aux gens. Elle a terminé son analyse sociologique par un inévitable : « y a plus de saisons« . Sur ce point, elle a fondamentalement raison, ils ont prévu de la neige ce soir ! Je ne sais pas qui il a derrière les « ils », mais ils ont eu foutrement raison.

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Dans un monde sans mélancolie, les rossignols se mettraient à roter

Ce titre est une citation issue des Syllogismes de l’amertume d’Emil Cioran. Pour une bonne partie, c’est un texte tiré de feu leverasoif. Oui, je sais, je fais de la récup. Pourquoi exhumer un vieux texte ? Parce qu’il le vaut bien ! Parce que je l’ai décidé et parce qu’il contient tout ce qui est important à mes yeux. Une rasade de vin, un chouia de philo, de la mélancolie, celle qui, comme les coups de soleil, fait mal la nuit, une touche d’absurdité, un rot, un pet, des pandas roux, un boukistanais et beaucoup de dérision. Cioran a surement raison, dans un monde sans mélancolie, les rossignols se mettraient à roter. Mais j’ajouterai que si dans ce monde sans mélancolie, sans amertume, si les rossignols devaient roter, alors, il faudrait aussi que les pandas roux pètent… Dans un monde mélancolique, rire est salutaire, le rire, c’est sérieux …  Imagine une soirée calme, tranquille, à siroter un verre de Meursault bien frais.

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La comparaison n’a pas toujours raison

Friedrich Nietzsche n’avait pas toujours raison, sauf quand il a dit « tous ce qui nous tue nous rend plus mort » ou quand il affirmait que le christianisme et l’alcool étaient les deux plus grands corrupteurs ou quand il écrivait qu’il était absurde de comparer un nihilisme et un humanisme et aussi quand … Bref, il avait quand même souvent raison le Nietzschounet et en plus, il le disait mieux que moi. Il y a toujours matière à comparaison, un peu comme quand tu compares le bide de JeanDa avec l’esprit de déduction de Rage, comparé au vide sidéral, même la bedaine du frisé nous inspirera toujours la grâce d’un éléphanteau dans un musée de porcelaines miniatures. Hormis pour Régis, pour qui le raisonnement reste encore une démarche abstraite, nous avons souvent besoin, pour réellement comprendre certaines choses, d’établir des points de relation avec notre vécu, avec la réalité perceptible par nous.

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La clé du vin

Un désaccord ne signifie pas toujours qu’on s’oppose, mais le plus souvent, qu’on se complète, comme le prouve cette anecdote tirée du Don Quichotte de Cervantès. Un village reçoit un tonneau de vin et veut savoir si le vin est bon. Les villageois font appel aux compétences de deux éminents spécialistes du village.  Le premier goûte le vin et dit : « ce vin est excellent, fin, élégant, très long en bouche, mais ce petit goût de fer gâche un peu la finale« . Le deuxième goûte à son tour et dit : « Ce vin est très bon, souple, délicieux si ce n’est ce goût de cuir qui en altère sa saveur« .

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