C’est en écoutant « c’est quand le bonheur » que je me suis dit que je n’aimais pas la variété française, que je n’étais pas converti aux sucrailleuses mélopées de Delerm, Bénabar, Biolay, Cali, Camille, MPokora et consorts quand il pleut. Je suis un traitre à ma patrie musicale, je déteste la chanson française actuelle, un peu comme tout le monde, au fond, mais en pire, comparé à moi, les Khmers rouges sont des humanistes de centre-gauche. En subissant cette chanson, je me suis aussi dit que je ne croyais pas plus au bonheur qu’à la philosophie du bonheur. Je ne crois pas à tous ces marchands de bien-être, de développement personnel, de psychologie positive et taoïste qui nous persuadent que le bonheur ne dépend pas de l’état du monde réel mais du regard que l’on porte sur lui. Va dire à un enfant soldat du Soudan ou du Niger que le prince Harry est l’homme le plus malheureux au monde comme le titre nos journaux. L’idée que le sage est heureux partout, c’est aussi con qu’une bonne publicité. Peut-on être heureux dans un monde malheureux ? C’est une putain de bonne question que m’a posée Ranulphe, cracheur de fistules et prof de philo au Lycée Marc Dutrou de Wevelgem. Pas besoin de faire 30 ans de philo pour comprendre que nous fuyons la douleur, le mal, la solitude et les cons. Que nous préférons tous la joie, les potes, les gueuletons et les petits coups à boire. Le problème, c’est que nous sommes parfaitement capables de définir le malheur et totalement incapable de définir le bonheur.
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