Le choix de sophiste

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As-tu le choix de lire ce texte ? Tu dois, bien sûr, être tenté de répondre immédiatement oui et d’aller finir cet excellent livre qui raconte la vie palpitante d’une morue que sa mère a appelée Palourde, tout un programme, et qui a fini, sur un parking de St Raie, par avoir le choix entre se faire gratter la coquille par un groupe de touristes Allemand en mal de sandalettes et de fantasmes ou de finir en brandade pour les mêmes touristes Allemands. Mais le fait est que tu es en train de me lire. Donc, tu n’as plus le choix, sauf celui de ne pas connaitre la fin.

Tu avais le choix avant, tu n’as plus le choix maintenant. C’est une question de tempo. Le temps pendant lequel tu lis, c’est maintenant et tu ne peux pas lire et ne pas lire ce texte en même temps, même en t’entrainant comme un furibond. Le présent échappe donc au choix, le passé aussi … puisqu’on ne peut plus rien changer. Donc, avant, tu pensais avoir le choix que tu n’as plus, maintenant, tu ne l’as plus et après non plus, puisque tu es encore là. Il semble bien que tu ais échappé à toute possibilité de choix. Avoir le choix suppose qu’on puisse en même temps faire et ne pas faire une chose, c’est ce qu’on appelle le libre arbitre, mais sans sifflet.

Nos goûts, nos préférences, sont notre libre arbitre. Si nos choix sont déterminés par quelque chose que nous n’avons pas choisi suivant nos goûts, notre personnalité, alors ils ne sont pas vraiment des choix mais des illusions de choix. A la fin de la dernière soirée consacrée aux « Ignorants » (excellente BD sur le vin, à glouglouter impérativement, si ce n’est pas encore fait), j’ai demandé à chacun de faire un choix, le vin blanc de la soirée et le vin rouge de la soirée. Les résultats ont été assez divers, normal, les choix sont le produit de nos goûts, de nos préférences, de notre culture. Chacun avait son libre arbitre et l’a exercé. Mais, on s’est retrouvé sur quelques vins, le sauvignon 2013 de Noëlla Morantin, élégant et équilibré, à la structure aromatique complexe, sans le côté variétal que l’on trouve trop souvent dans le sauvignon, le chenin « Les Bonnes Blanches » 2009 d’Agnès et René Mosse, puissant, un peu oxydatif, mais très original. Certains ont apprécié le « Litus » 2015 d’Eric Morgeat, minéral et strict, peut-être encore sur la réserve. Reste « les Noël de Montbenault » 2010 de Richard Leroy, pas très cité, mais qui, pour moi, représente le type même de grands vins et de grandes émotions gustatives. En rouge, la magie Rayas a encore frappée. Rayas 2000, élégant, fin, complexe, oriental … Tellement différent des autres Châteauneuf du pape. Pour ma part, j’ai été ravi par le Barolo « Bric dël Fiasc » 1998 de Paolo Scavino et un peu déçu par le Clos Rougeard 1996 (pourtant excellent le lendemain) et par les « Vieilles Vignes en Coteau » 2006 de Jean-Michel Stephan (magnifique deux jours plus tard – faudra que je m’en souvienne la prochaine fois, deux jours de carafage). Choisir, c’est opter, donner sa préférence, être libre. Encore que … Si, lors d’une exécution capitale, on laisse au condamné le choix du mode d’exécution de la sentence, le choix est-il un vrai choix ? Le gonze préfèrerait certainement être sur une plage des Bahamas avec une tripotée de top-modèles, plutôt que devant la guillotine ou la chaise électrique. Il ne suffit donc pas d’avoir le choix pour être libre de ses choix.

En matière de vin, chacun fait ses choix. Dans le monde du vin, le dégustateur est le maillon le plus important de la chaine, c’est lui qui fait le choix, c’est lui qui paie le vin et qui fait vivre toute une industrie. Vous buvez le vin que vous méritez. Choisissez de boire meilleur, acceptez de payer plus cher un vin parce qu’il est supérieur, et les vins, aussitôt s’amélioreront. C’est au consommateur de décourager les auteurs de mauvais vins. Ce n’est pas moi qui le dit, c’est Emile Paynaud dans la préface de « le Goût du vin« . Il n’y a pas de choix sans renoncement ni de renoncement sans choix. Pour revenir à notre exemple, vous n’avez pas le choix de continuer à lire ce texte après son point final, mais vous avez le choix de continuer à y réfléchir et comme dit Ranulphe, mon Ampélosophiste de comptoir : « If you want to touch the sky, fuck a duck and try to fly! « 

5 réponses sur “Le choix de sophiste”

  1. Avant il y avait les « Cafés philos », maintenant on a droit au « Pinardo Philo »… L’avantage, c’est qu’après quelques quilles, le mal de tête est moindre qu’avec la caféine, surtout quand il s’agit de vins naturels !
    Et je ne vous parle pas de l’amélioration de la pétomanie post-soufre du lendemain… Madame remercie là aussi les buveurs bobos.
    Et dire que ce truc prétend s’appeler PsykoVino…

  2. Ah ben moi je suis bien content de retrouver la prose du Psykopat !
    Personnellement, je n’ai pas été déçu par le JM Stephan, que j’ai trouvé riche, dense et aromatique. Rayas magnifique, comme souvent. Le Barolo, avec des tanins et une acidité caractéristique ; comme dab.
    Une remarque : quand la première pensée qui vient à l’esprit en goûtant un vin est « ah, ça c’est un vin nature », est-ce une bonne chose ? Je veux dire par là que cela prend le pas sur l’appellation, le terroir, le millésime, etc…

  3. Pour le doc : La pétomanie n’est pas du au soufre mais à la purée de topinambour. Ce légume, non seulement n’est pas bon, mais en plus, il fait péter. Une cure de topinambour et tu peux te lancer dans une carrière de pétomane en free-lance … Succès garantie à la soirée de la belle-mère …

    1. Le topinambour certes est connu pour ses effets « fayothesques » et le soufre tout autant, mais c’est moins connu !
      Mon tube digestif a toujours été un « thermomètre » relativement efficace de la charge soufrée des divins breuvages consommés en quantités immodérées la veille…
      Et en réponse à Jean Da, je dirais que le point qui m’apparait comme de plus en plus important en buvant la première gorgée, c’est la buvabilité, le HIT-haut potentiel de torchabilité, comme je l’avais déjà évoqué autrefois…
      Et c’est souvent nature, il est vrai !

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