N’ayons pas peur d’Épicure

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Cette fois, c’est du sérieux, nous allons causer philo et nous piquer d’Épicure. Mais c’est quoi un épicurien? Ce n’est pas toujours une sinécure que d’être un accro d’Épicure qui aime les épines et pas les roses et souvent, les orties sont ses copines. Oui, je m’adonne à l’hédonisme, je suis un ampélosophiste, un humaniste de bistrot, que je préfère au platonisme qui n’a rien à voir avec celui qui aime les femmes plates. Si je suis un épicurien, c’est que je me contente du mieux que rien, de la guêpe, je ne crains le Dard, mais comme Frédéric, je tiens d’Épicure le don d’esquiver les jouisseurs insupportables. Je suis de l’épicurie, mais je déteste les hommes et les vins qui sentent l’écurie. L’épicurisme, c’est une vie dédiée au plaisir. Un terme galvaudé, par des partouzards ou des érotomanes de tous poils, à la recherchent d’un prétexte doctrinal à leurs activités lubriques. L’image du pourceau colle à la peau des épicuriens. Ce ne sont pas des gloutons, jouisseurs et ignorant, l’épicurisme, qui fut, avec le stoïcisme, l’une des plus importantes écoles philosophiques de l’Antiquité, est souvent confondu à tort avec une recherche effrénée du plaisir.

En réalité, la doctrine d’Épicure est bien plus austère, la vie doit être guidée par des plaisirs simples, les plus minimalistes possibles, voire l’absence totale de peines. On est très loin de la recherche de plaisir effrénée. Pour apprécier un bon repas, il ne faut en prendre qu’un par semaine. C’est épicurien ça? Me demande Jeanda en s’enfilant un demi sanglier presque vivant.  Oui, mais c’est surtout un régime draconien. Une philosophie basée sur l’idée que toute action entraîne à la fois des effets plaisants et des effets amenant la souffrance. C’est un peu sado-maso que d’être épicurien. Le plat le plus épicurien, c’est la poule au pot ! Pour certains, la poule est un animal stupide, pourtant, elle est à l’origine de nombreuses questions existentielles aussi fondamentales qu’essentielles. Est-ce l’œuf ou la poule qui a découvert l’Amérique et la relativité ? Peut-on casser des œufs sans faire une omelette et si non, combien ? Quand les poules auront-elles des dents ? La poule aux œufs d’or a-t-elle une bonne assurance ? Pourquoi les coqs n’ont pas de main ? Pourquoi le poussin n’étouffe pas dans l’œuf ? La nouvelle poule de ton père est-elle pondeuse ? La poule au verre tient-elle plus chaud ? Est-il plus facile de se taper une poule, qu’un poulet ? Pourquoi le Coq aux ricots est moins bon que la poule au pot ? Ça roule, ma poule ? Pourquoi les anglais disent Swimming-Poule alors qu’elles ne savent pas nager ? Why did the chicken cross the road ? Des questions qui ont torturé des milliers d’hommes. Des questions sur lesquelles travaillent des millions de scientifiques en blouse blanche, l’air hagard et les yeux révulsés. Des questions qui ont déclenché des dizaines de guerres, et fait couler le sang de millions d’innocents. C’est encore aujourd’hui la quintessence du mystère, le parangon de l’énigme, la flamme ardente de l’inconnu… Que dis-je ? La source de toute ignorance ! Oui, pourquoi la poule philosophe (tout ça pour en arriver là, c’est pitoyable, j’ai honte…).

Le seul début de réponse à cette question fondamentale me vient du célèbre philosophe, Pierrot la poche, qui  passe le plus gros de son temps à se remplir la panse de vinasse pas chère  et à entretenir sa cirrhose contre de jolis euros brillants. Ne vous précipitez pas sur votre rousse aux petits Robert, Pierrot, c’est notre sage sans sagesse, même pas les dents, mais c’est aussi lui qui est à l’origine d’une part importante mais méconnue de ma philosophie personnelle. Hier encore, après l’apéro du soir, il philosophait sur l’origine de la poule. « Tu vois, ma couille, moi, j’veux dire, hein, j’suis un épicurien à foutre… Robert, encore un ballon de muscat, ste’plait… j’en étais où ? La poule ? C’est la nymphe Omane qui a posé les principes de la question… Y vient s’te Muscat ? L’œuf au fond n’est que l’abstraction de soi-même dans sa rondeur la plus dépouillée… T’es partis faire les vendanges, Robert ? Ouaih, c’est la poule moi j’te dis, j’kiffe grave les poules… Non mais tu vois les jeunes aujourd’hui, ils s’en foutent quoi… mais d’mon temps hein…j’veux dire… fait soif dans ce pays bordel… faut qu’je suce qui pour boire un coup…je disais quoi ? Ah oui…j’suis un dur… j’ai pas peur d’Épicure, tu sais, moi, j’aurais pu faire une carrière dans la philo, hein, mais tu vois, les gars, tous des cons…j’te dis, tous des cons… J’suis comme Épicure, même si la morale des petits bonheurs épicuriens a des relents petits-bourgeois qui n’ont pas échappé aux critiques du philistinisme spinoziste ou bergsonien, mais les dernières paroles d’Épicure ont tété de réclamer du vin, comme moi. T’abuses mon Robert… remplit jusqu’au fond… Épicure, c’est la stylisation d’un thème récurrent, le philosophe maître de son destin. Ainsi mourut Épicure, après un dernier gorgeon fatal. A la tienne Étienne… Allez les verres … Une rinçure pour Épicure… J’t’ai déjà parlé de l’ironie des prolégomènes de la maïeutique dans le discours de Platon ?«