Gilet jaune, beau nez rouge, les couleurs de la Loire

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Le jaune revient à la mode. Le beau gilet nouveau est arrivé. Comme les « bonnets rouges » de 1675, comme les « chemises vertes » de 1927, les « gilets jaunes » de 2018 expriment leur grogne. De chemises vertes en bonnets rouges, de marche violette en révolution orange, jusqu’aux gueules noires, il n’est pas de mouvement social qui ne se soit revêtu d’un parement coloré pour mieux identifier leur colère. Il n’y a guère que le bleu roi qui échappe à cette mode. Je sais qu’il est de bon ton d’être du côté des jaunes, je partage même une partie de leurs revendications, mais je pense aussi que toute lutte qui a pour seule fin la satisfaction de ses seuls intérêts, n’est pas une juste lutte. Le « Nationale Opportunisme » qui s’est formé autour de Mélenchon, Collard, Dupont Lajoie me dérange, m’obliger à mettre un gilet jaune pour passer un barrage me dérange encore plus, et pourquoi pas une étoile ? Rouler vaut bien un gilet pour certain. L’accessoire de sécurité devient un « must have », un sauf-conduit. Sans gilets, c’est l’attente. Avec la tunique or, c’est l’espoir de s’exfiltrer des bouchons sans risque. Liberté, égalité, gilet de sécurité ! Il parait que les gilets jaunes seraient apolitiques. Pourtant, lorsque Dieudonné se présente sur l’un de leurs barrages, il est accueilli à bras ouverts. Certains gilets jaunes seraient amateurs de quenelles… décidément, certains gilets jaunes cachent mal leurs chemises brunes !

Ce mouvement est : sans chef, sans organisation, sans stratégie, sans programme, juste des individualistes qui rêvent de créer un mouvement qui les dépasse déjà. Ils se cognent à leurs semblables qui voudraient seulement rouler, travailler et consommer. Churchill disait que la démocratie n’était peut-être pas la meilleure solution, mais c’était la moins pire à l’exception de toutes les autres ». La fronde des Gilets jaunes est une explosion de colère justifiée, certes, mais mal organisée, mal représentée, les quelques personnes qui s’y sont risquées ont été menacées, dénigrées et insultées. Chez les gilets jaunes, on n’aspire pas à, on n’émet pas un vœux, on ne se donne pas les moyens de, non : on revendique, on exige. Tatatata ! Ce qui suppose un droit inaliénable que les autres doivent impérativement cautionner s’ils ne veulent pas passer pour réactionnaires. Leur programme est un bric-à-brac de propositions qui sont à la fois jusqu’au boutismes et contradictoires. Leurs revendications sont parfois censées, souvent fantasques, confuses, d’extrême droite, d’extrême gauche, d’extrême-ce-que-vous-voudrez. Ils réclament moins d’impôts et moins d’État. A bas les institutions, mort à l’État, non à l’assujettissement des personnes mais donner nous des sous, aider nous. Donc pas d’État, mais un État qui verse des allocations. Crotte alors… J’ai même vu un pancarte qui disait : « notre violence n’est pas violente »! Et les voitures brûlées ne sont pas brûlées ? Allez le dire à ceux qui ont perdu leur voiture, leur stock ou leur chiffre d’affaire ! Les gilets jaunes découvrent que la démocratie, c’est plus facile de la critiquer que de la mettre en place. Quand l’extrême-droite rejoint l’extrême-gauche, les idées s’annulent. Ce grand « ras-le-bol » est juste une étape sur la route glissante qui mène au populisme. Héritiers des sans-culottes, ces filtreurs sans filtre, ces révoltés du diesel vomissent les élections, l’État et ceux qui ont réussis. Ce n’est rien de moins que du populisme. Dans la quête d’un chef à poigne, d’un général en chef, il pourrait bientôt soutenir la comparaison avec ceux qui ont porté Trump, Orban ou Salvini au pouvoir, le gilet jaune en plus. En 68 on manifestait pour virer un général, pas pour en mettre un au pouvoir. Messieurs les gilets jaunes, messieurs les colériques, il est grand temps de vous inquiéter de la situation au-delà de nos frontières, et pas simplement de votre pouvoir d’achat. On n’est pas dans une période révolutionnaire, on est dans une période de tentation autoritaire.

Pas de barrage canari, pour venir déguster chez notre Doc préféré, qui nous a concocté une soirée le long de la Loire, j’amène avec moi un régional, un breton coiffé d’un magnifique bonnet rouge, vêtu d’une parka jaune et d’une non moins magnifique chemine à jabot verte. Le breton est coquet, il ne sort jamais sans sa chemine à jabot. Notre phare breton respecte les traditions, lui qui a trois femmes, dont une pas bretonne, 15 enfants sur qui il ne cogne que vraiment rarement, trois crêpières, il possède quelques bonnes adresses de bordels à Reykjavík, il est en train de finir une cave où il a rentré des Cornas et des Rangen de Thann qui ne réclament que mon gosier épais, il vient même de payer un acompte sur un voyage hivernal au Kamtchatka où il a prévu d’emmener ses petits voir un dresseur de mayonnaise se faire niaquer en direct par des crabes géants. Bref, comme on dit dans sa Bretagne natale : Horizon pas net, reste à la buvette. Deux bulles pour démarrer, j’ai beaucoup aimé Le Vouvray de Vincent Carême, même si je ne suis pas à la diète. Quelques huitres, deux verres de Muscadet et un accord classique qui ne marche pas. Le muscadet est un vin blanc discret, l’huître a un goût bien marqué par le sel et l’iode, et qui contient cette saveur que les japonais ont nommé umami. L’umami, le cinquième goût, est autant une texture qu’une saveur et dont la présence de glutamate est un ingrédient essentiel. Il agit aussi comme un exhausteur de goût et, dans le cas de l’huître, cet effet est amplifié par la présence du sel. Je pense que cette combinaison est la source de mon problème avec l’accord huîtres/muscadet. En tout cas, le résultat pour mon palais, et que le goût de l’huître domine systématiquement celui du muscadet, qui disparaît presque totalement ou produit un goût métallique déplaisant. Cela dit, le Muscadet Fief de Breil 2001 de Jo Landron est une petite merveille. Ce 100% Melon de Bourgogne possède de superbes notes de fruit blanc, d’iode et le fumé, de pâte de fruit, c’est vif, encore très jeune, racé et très long. Les Amandiers du Domaine de la Folle Berthe et Le Gilbourg de Benoit Courault, aux belles notes de Bergamote, nous ramènent à Saumur. Le Bournais Franc de Pied 2015 du Domaine Chidaine est très original, complexe arômatiquement, sur les agrumes, le bombons anglais, les épices, intense en bouche avec une jolie persistance. La Coulée-de-Serrant 2010 de Nicolas Joly, même carafée longuement, reste dans ses couches et sa tourbe. Ce n’est pas le cas du magnifique du Genèse Les Jardins Esmeraldine 1999 de Xavier Caillard. C’est puissant, un peu oxydatif, floral, pierre à fusil, sur le coing, le miel, les zestes d’agrumes. La bouche est étonnante, vive, ample et souple, l’acidité tend le vin comme un arc, la très belle matière équilibre l’ensemble et la finale est longue et minérale. Le Brézé 2010 du Clos Rougeard est, comme la coulée, fin, élégant, mais encore sur la retenue. Les Ailes d’Anges 2015 d’Alexandre Bain est connu, mais pas reconnu, même avec ses notes de truffe blanche, d’épices et de miel de fleurs.

Il n’y a pas que les bonnets qui soient rouges, le rouge est symbole de la colère, on voit rouge, mais c’est aussi la couleur de la passion, du cœur et de la luxure. Je n’ai pas noté les deux premières, très fraiches, mais pas inoubliables, j’ai plus apprécié Hommage à Louis Derré 2015 du Domaine de Bellivière, moins poivré que la cuvée de base de Pinot d’Aunis, mais plus structuré, plus racé. Anne Claude Leflaive a beaucoup fait pour remettre le Groleau, cépage typique de la Loire mais assez peu connu, sur le devant de la scène. Le Groleau 2014 du Clau de Nell est très fruité, ample, épicé, sur la violette et la framboise, la bouche est encore tannique, le temps domptera peu à peu cet étalon encore fougueux. Les deux matchs suivants sont particulièrement déséquilibrés. Le premier a été dominé de la tête et des épaules par le Chinon les Roches 2008 d’Alain et Jérôme Lenoir. Un style incomparable, une patte surprenante, unique, un vin anti-mode, mais indémodable. Des tannins, une patine unique, une palette aromatique où se mêlent, les fruits rouges et noirs, les épices, la rose fanée, la menthe, le cuir, tout ce qui fait un grand vin. Un grand moment de dégustation. C’est un peu la même chose pour les Gélinettes 1999 de Mark Angeli, un vin inusable, au top depuis des années, la preuve qu’il n’est pas nécessaire de concentrer, de boiser, pour faire un excellent vin, la finesse et l’élégance peut suffire. Le nez de la suivante me pose un problème, pas de bouchon, mais pas net, poussiéreux, une pointe de verdeur qui gâche un beau fruit et une finale modeste. Dommage, c’est un Poyeux 1996 du Clos Rougeard. Le sauvignon est de retour sur le fromage, je n’ai pas été emballé par les deux Monts Damnés, mais séduit par les deux moelleux du dessert (un superbe nougat glacé), le Montlouis 2009 du Domaine Chidaine, sur la mandarine, l’abricot et le botrytis et par les belles notes fumées et les arômes de pâte de fruit de la Première trie 2008 du Domaine Huet.

Vous l’avez compris, le gilet jaune me boudine, me gêne aux entournures, mais, si c’est la mode de revendiquer pour sa gueule, je sais faire, j’ai des revendications, je les ai même envoyées au Père Noël. Sur le paquebot de mes revendications, tous sur le pont, mille sabords, à l’abordage de la galère Etatique. Je veux, que dis-je, j’exige la détaxation de tous les bons vins, l’instauration de la police du vin, le Meursault à 5€, incarcération de tous les mauvais vignerons, mais aussi de tous les mauvais cuisiniers et de tous les cons. Je suis capable de passer des heures sur un barrage de bouteilles vides à négocier avec des péquenots analphabètes à condition d’avoir à portée de main mon minibar de Meursault bien frais. Si toutes mes revendications ne sont pas satisfaites, je me mets en grève, je bois de l’eau et j’arrête d’écrire : « en raison d’un mouvement social, PsykoVino est dans l’incapacité de produire les prochains billets …. »

Une réponse sur “Gilet jaune, beau nez rouge, les couleurs de la Loire”

  1. Toi, tu devrais te reconvertir dans le commentaire politique « unfiltered » !
    Et comme un bon pinard d’un bon vigneron le commentaire s’affine avec les semaines …

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