Je ne dis pas que des conneries, j’en fais aussi…

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J’emmerde l’enfance, l’adolescence, l’adulescence, la vieillesse, les anniversaires, la vie, la mort et tout le reste. Je conchie sur tout le reste d’ailleurs. Je hais les vacances, j’exècre le travail, j’abhorre l’oisiveté, je maudis la lecture et j’anathématise les références, les images, les comparaisons, les mises en abyme quotidiennes. Je me hais et je déteste encore plus les autres et tout ce qui puisse me sortir de cette détestation. Je veux que mon esprit soit remplacé et le corps aussi tant qu’on y est. J’ai surement droit à un reset, une régénération, une résurrection, un truc qui te fait repartir à zéro. Mais attention, pas de connerie, je ne veux pas de résurrection religieuse ou toute autre ineptie du genre. Je ne veux pas de pollution intellectuelle ou de sermon de masse que même un gamin de 10 ans y verrait les ficelles d’une bouffonnerie absurde.

Pas question de bouddhisme, de sophrologie, de tantrisme, de yoga ou toutes ces merdes pour quadra débile en mal de spiritualité de bazar. Le salut par quoi alors ? J’aurai voulu être un artiste, pour faire mon numéro et avoir mon bureau en haut d’une tour. Mais l’art n’est qu’une putain qu’on pense pouvoir toucher, sentir, pénétrer mais qui ne fait que renvoyer encore et encore à notre inculture crasse. L’art est aujourd’hui un diable pour de riches abrutis absconds. L’art transforme le monde en grande surface, en bête à haïr. Reste la bouffe et le vin, oui pourquoi pas, certes, ce n’est pas très sain, mais je m’en cogne le saucisson, on est rarement seul pour bouffer et boire du pinard.  Après quelques verres, on est moins torturé par notre mince potentiel physique et psychique. Le vin est le meilleur des antidépresseurs. On est bien obligé d’aller vers les autres, pire s’y intéresser ? L’homme est donc fait pour être libre, boire et manger, c’est son karma et c’est la seule chose qui le rende vraiment heureux. A bien y réfléchir, la liberté n’est même pas indispensable, il ne saura jamais qu’en foutre et sera aliénée par elle jusqu’à en devenir azimuté et ira dépenser son blé chez un psy en mal de vacances à Zanzibar. Pour ce con d’homme, il lui faut du vin, du bon vin, une bonne table et des potes à moustache. Je plaisante vous l’aurez compris, la moustache n’est absolument pas obligatoire !

Comme on est là pour ne pas être ailleurs et pouvoir dire des conneries, on se lâche d’entrée, un vieux Champagne de presque 20 ans, Perlé de Larmandier 2000, sur des notes originales de bonbon et de moka, pas très vif mais sûr de la force de son âge. On poursuit avec deux Sauvignons nerveux, le premier sur les fruits jaunes, le miel et le bourgeon de cassis, Sancerre Les Quarterons 2015 Etienne et Sébastien Riffault. Le deuxième est plus gras, plus précis aussi, toujours légèrement miellé mais avec une superbe longueur, Sauvignon 2013 Noëlla Morantin.  Après le Sauvignon, place au Chenin, le Chnin comme l’appelle illico Le R’gis. La fumée, l’écorce d’orange, les épices, le miel, c’est complexe, minéral en bouche, long et large, très beau vin que ces Dorées 2007 du Domaine de la Grapperie. Je suis moins emballé par la Croix Boisée 2017 de Bernard Baudry, encore jeune et fermentaire avec une légère impression de sucre et une grosse matière.

MuscadetComme disait le poète, les braves gens n’aiment pas que l’on suive une autre route qu’eux, des chemins qui ne mènent pas à Rome mais en Muscadet. Ce que le Muscadet a contre lui, c’est sa mauvaise réputation ! Un vin acide, vert, chaptalisé, pas cher, pour touriste en mal de plateau de fruit de mer en terrasse, un vin de guinguette, des vignerons pisseurs de vigne qui n’ont pas conscience, ni confiance, en leur vignoble … Pourtant le Muscadet pourrait avoir le Melon. Ce qui est formidable avec le Muscadet c’est son aptitude au vieillissement. Et cette aptitude est encore méconnue, comme pour le Riesling, les Muscadet vieillissent merveilleusement bien.  Le Muscadet   demeure injustement dévalorisé face à des appellations beaucoup moins vertueuses dans leurs pratiques et leurs rendements. La Bourgogne s’est construit le mythe d’une qualité chimérique, facilitée par l’attractivité d’un chardonnay aux accents beurrés par la malo qui s’enrichit dans le faste éphémère de la barrique. Alors, le réflexe est là !  La peur de déchoir par la proposition d’un muscadet conduit souvent au repli faussement sécuritaire sur un Bourgogne bien propre sur lui. Comme pour le Riesling, le Melon de Bourgogne est un révélateur des nuances d’un terroir unique. Sans se ruiner, on doit absolument goûter les Muscadet de Jo Landron, du Domaine de l’Ecu, Luneau-Papin, Eric Chevalier, Jérôme Bretaudeau ou Bruno Cormerais et quelques autres. Pour une somme modique, le muscadet a fait le choix d’exprimer son terroir avec force et authenticité. Des notes d’agrumes, de fenouil, d’anis et de réglisse, un magnifique bouquet qui n’empêche pas la minéralité, le vin et vif et précis avec une superbe finale tendue avec des notes de feuilles mortes.  Magnifique Muscadet 2009 du Château de Thébaud. Dans la catégorie des vins qui ont de la gueule, de la tronche, il y a les vins de Mark Angeli ! Les vins sont riches, sur la minéralité, le miel et les épices pour le premier, le raisin de Corinthe pour le second, les deux possèdent une grande ligne acide et une belle longueur. Le premier est sur la longueur et le second tout en largeur. La Lune et les Fouchardes 2012 de la Ferme de la Sansonnière.

La thèse : Un nez un peu sur le cul de vache et la volatile, certes, mais aussi de la framboise, des épices, du poivre blanc et de la pierre à fusil. La bouche est très fruitée, vive et plaisante. Pinot noir les Grandes Chaudes 2016 Philippe Chatillon. L’antithèse : Un nez de bois, de chocolat, de cerise noire, des tannins de bois, très présent, Pommard les Rugiens 2010 Domaine Roy-Jaquelin. Personnellement, pour ma part, en ce qui me concerne, je préfèrerais toujours un vin de vigneron à un vin de tonnelier ! Et comme le dit si bien Philou le poète : « La vache n’est pas un volatile« . Après un duo de Cabernet franc (mince, je n’ai pas pris de note), on attaque le Couscous avec un vin qui fleure bon le Rhône, c’est très frais, sur la mûre, le cassis, le poivre et le cacao. La bouche est plaisante, assez longue. Ce vin est né de la rencontre entre Alain Graillot, vigneron de talent en Crozes Hermitage et Jacques Poulain, œnologue français installé au domaine de Ouled Thaleb dans la région de Meknès. Tandem 2016 Maroc AOG Zenata. Comme disait Pierre Dac, « si tu as les yeux plus gros que le ventre, tu n’es pas près de trouver une paire de lunettes ». Pourtant, une paire de lunette aurait été bien utile pour ne pas confondre un St Joseph de Stéphane Montez avec une Côte-Rôtie Fortis 2011 de Stéphane Montez, très minérale, tendue, légèrement vanillée avec une finale longue et soyeuse. J’aurai aussi pu me passer de charrier tous ceux qui avaient dit Côte-Rôtie ! La suivante est un peu sur le même registre, un peu plus lardé, réglissée, un peu plus profonde, un peu plus dense, mais toujours aussi gourmande, Côte-Rôtie les Grandes Places 2006 Domaine Gérin.

Après ce Couscous Syrah, place à l’expérience. « The Biodynamic Barrel Project Shiraz expérience » de Troy Kalleske. Dans la Barossa Valley, la famille Kalleske cultive la vigne depuis 1853, près du village de Greenock. Longtemps fournisseurs de Raisins pour Penfold’s Grange, Troy et Tony ont créé la cave en 2002, et sont maintenant certifiés « producteur biologique et biodynamique ». Ils sont les gardiens de la terre et veulent, non seulement préserver l’environnement, mais aussi l’améliorer pour les générations futures. Depuis la sortie du premier vin en 2004, Kalleske a rapidement acquis la réputation de produire des vins de grande qualité. Passionnés et partisans de Biodynamie, ils ont voulu démontrer l’influence de la Biodynamie sur le vin, mais aussi sur son élevage. Un même vin source, un unique cuvée biodynamique du domaine Kalleske, on remplit trois fûts différents biodynamiquement, même bois de France (Tronçais), chaque lot est récolté puis travaillé en fonction de la biodynamie (fruit, racine et fleur). Toutes les opérations vont tenir compte des spécificités et du calendrier biodynamique (lune / planètes). Élevage identique de 19 mois et mise en bouteille sur les mêmes principes biodynamique. Une expérience intrigante, trois vins très différents, 3 syrahs corsées, pleines et intenses. La cuvée fruit se goûte sur la réglisse, le cassis et la terre humide, la bouche est laiteuse, ronde avec de beaux tannins. La cuvée Fleur se goûte sur la framboise, le cassis et la violette, la bouche est plus dense et les tannins plus fermes, un rien asséchant. La cuvée Racine possède de belles notes de pierre sèche, de fraise, de réglisse, de cerise noire et de tabac. En bouche, c’est riche, opulent, mais on garde une belle fraicheur, une acidité fondue et de beaux tannins souples en finale. Indiscutablement, trois vins différents, un seul dégustateur sur 6 les a placés en Australie. Grande similitude entre les deux premières cuvées et une cuvée Racine au-dessus, sur cette dégustation. J’ai eu l’occasion et la chance de goûter cette série sur plusieurs millésimes et à chaque fois, les vins se goûtaient de manière différente. Certes, ce n’est pas très « scientifique », la subjectivité du dégustateur est évidemment un paramètre trop important, mais aujourd’hui, nier l’influence de la lune sur l’agriculture en général est rétrograde. On ne parle pas ici de danse de la nuit, de remèdes de sorcières ou de croyances incongrues, le calendrier lunaire est très utilisé dans la viticulture depuis des décennies. Il a largement prouvé ses bienfaits. Les vignerons ne sont d’ailleurs pas les seuls à s’y fier. La lune influe sur les mers, les océans, les cycles féminins, l’humeur des hommes et bien d’autres choses de la nature, pourquoi ne serait-il pas également le cas pour les vignes et la dégustation du vin ? En tout cas, cette intéressante expérience a divisé et fait parler la table, et c’est assez rare d’entendre parler une table.

Un vin jaune sur le fromage, un Gewurztraminer 1990 de Léon Beyer presque sec et pour finir cette soirée en beauté, un nez d’une grande jeunesse, d’abricot rôti, de the vert, de café et d’anis. Une bouche digeste, fraiche, acidulée et à la longueur renversante, Sauternes Château Gilette 1989. Il était l’heure de rentrer et de se coucher, j’ai donc regardé la mer, assis sur la grève, le regard lointain, songeant à d’hypothétique expérience sur un marin breton à la retraite buvant des pintes de vieux champagnes millésimés et mangeant des moules et de frites pendant qu’un quale de 7 mètres lui bouffait les tripes. Une boucherie, on se serait cru à Saigon bordel ! Il ne restait de lui que sa carcasse sur les rochers, on aurait dit les restes d’un Chicken Wing. Putain, sale temps ! J’ai ramassé mes bouteilles vides, je suis rentré chez moi, y’avait « Alice Nevers, je juge est une femme » qui allait commencer et ma femme avait préparé une moussaka au cheval de course. Quand je vous disais que je ne dis pas que des conneries, j’en écrit beaucoup aussi …