Croix de bois, croix de fer, si tu te trompes, tu vas en enfer …

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Comment cela a-t-il commencé déjà ? Où ai-je rencontré cette énergumène ?  Ah oui, une soirée gros Australo qui tâche ou qui pète, je ne sais plus bien. Le resto de l’ami Serge, « Au petit café des deux pintades qui se bécotent la croupe en sirotant du jaja » ou un truc du genre. Il était au fond de la salle, tassé, peccamineux, dans un coin, accoudé au bar, en ne cessant de me fixer tout en se grattant les miches. Je me souviens même que quand il s’est avancé vers moi, probablement pour me saluer, il a sorti ses mains des poches, j’ai cru voir une lame, il s’est approché de moi et j’ai bien cru que j’allais me faire planter par un Tchétchène ou un Boukistanais mécontent de ma prose. Comme je n’avais absolument pas prévu de canner ce jour-là, j’ai esquissé un pas de bossa nova, doublé d’un roulé boulé digne du commissaire San Antonio, clé de 12, tournevis moldave et immobilisation du tchétchène vindicatif. C’est à ce moment que l’australopat est intervenu pour me présenter le sieur Jean-Daniel. « Enchanté » que je lui aie dit. Il a poussé un cri étouffé perdu dans les jappements d’Ernesto, mon Rottweiler qui lui bouffait le cul, en tout bien, tout honneur.

J’avoue qu’au début, j’ai eu du mal à comprendre comment il fonctionnait le JeanDa. Pépère, la frisette au vent, la barbe affutée comme un bilboquet, la Chemise « Sex and the cystite », pantalon d’haltérophile, l’œil alerte et le potentiel métaphysique d’une huître farcie au Kiri. Son absence de cou m’a intrigué au début, mais bon, sans être l’Einstein ou le Copernic de la dégustation, il se défendait le bougre et il carafait admirablement bien ses vieux Cornas qu’il accompagnait d’un tartare divin. Quand le temps était à la pluie, il faisait un peu de rétention d’eau et se fendait d’une jambe lourde. Mais, globalement, il tenait la route.  Après une journée difficile, il adore s’envoyer un lobe de foie gras en apéritif, avec un verre de Deutz, puis un pâté aux truffes, un turbo au beurre blanc et un bœuf Wellington avec un petit coup de Chambertin. Il a des goûts simples le JeanDa.  Avec lui, la qualité n’empêche pas la quantité. Mais pourquoi que je vous parle de lui ? Je fais du teasing pour la terrible solitude mortifère d’un dégustateur solitaire…

On a commencé par un Crémant avec de faux airs de Champagne, des agrumes, de la paille, gingembre, un peu fermentaire. La bouche est sympathique, équilibrée, vive, la bulle est discrète et la finale un peu courte.  Bien + Domaine Henri Ruppert Esprit de Schengen.

Un nez puissant, sur les fruits jaunes, des épices et du miel. La bouche manque de vivacité, acidité très faible, le vin est peu équilibré avec une finale un peu amère. Bien Château La Grace Fonrazade St Emilion

Beau nez, très exotique et original, fruits exotiques, amande, café et coing. La bouche est très aromatique, puissante, l’acidité est importante, c’est vif, étoffé, plutôt équilibré avec une belle finale sur le coing.  Très bien Anjou La Lune 2004 Mark Angeli

Superbe nez fumé, puissant, sur l’orange amère, le caramel, le coing et le sapin. La bouche est fraiche malgré une acidité basse, grosse matière et finale harmonieuse. Très bien Clos de la Bergerie 2006 Nicolas Joly

Un nez un peu pollué par des notes liégeuse, un premier nez un peu poussiéreux avec des notes de bonbons et de fruits exotiques. La bouche est moelleuse, étoffée, peu vive avec une finale un peu plate.  Bien  Céron les graves d’Illiats 1953 Barrières Frères

Une robe vieux cognac, un nez très expressif, superbement original, racé et élégant, café, bergamote, ananas, coing. Une bouche assez vive, ample, corpulente même. La finale est fruitée et somptueusement longue. Excellent Y d’Yquem 1968

Un nez un peu simple, sur les agrumes et les feuilles mortes, voir un peu pipi de chat. La bouche est mince, très vive avec une petite finale fruitée. Corton-Charlemagne 2017 Domaine de Montille. Je reste dubitatif devant ce vin, un grand cru très décevant, même indigne de son terroir et de la réputation du Domaine. Bof

Un nez un peu réduit, mousse et arômes forestiers, agrumes, paille, caramel et champignon. Une bouche un peu svelte, acidité moyenne et finale fruitée et longue. Un vin séduisant mais avec quelques faux goûts (réduction, ou léger bouchon) Bien Chablis Château Grenouille 1992 La Chablisienne

Joli nez complexe sur les fruits jaunes, les agrumes, la pierre sèches, un peu de miel et des épices. Belle bouche ample, vive, tendue par une fine acidité avec un bel équilibre et une longue finale. Très bien Chassagne Montrachet Château de la Maltroye

Un premier nez en forme de baffe, noisette grillée, pétard, curry, iode, on est en grande Bourgogne ? Ben non ! Le batard, on est en Espagne, en Ribera del Duero ! Jorge Monzon Pascual fait partie de cette nouvelle vague de vignerons recherchés par les amateurs du monde entier. Il est passé par le domaine de la Romanée Conti et par la Véga Sicilia et ça se sent. Arôme subtil et floraux, élevage au millimètre, minéralité exacerbée, du gras, de la fraicheur, de la longueur, que dire de plus ? La cuvée Vińas Viojas Albillo 2017 Dominio des Aguila est un grand vin blanc. Excellent et même impressionnant

Des notes d’agrumes, pamplemousse, violette avec un peu de bois subtil. Une bouche vive, très aromatique, étoffée, saline avec une longue finale minérale et citronnée. Très bien La Tour Martillac 2014

Retour sur notre teasing de début. J’en convient, la dégustation de très grand vin nécessite un certain cérémonial. La cérémonie demande de la délicatesse, caresser sans secouer le vin, le traiter avec respect, l’inviter au plaisir pour stimuler nos sens, créer une fusion, un désir pour plus d’émotions. Sans préliminaires, pas de lubrification des muqueuses, pas d’érection de papilles et peu de plaisir finalement. Si vous passez outre ce cérémonial, vous vous exposez au pire et le pire s’appelle Jeanda, c’est même ce qu’il fait de mieux. Un premier rouge débouché devant nous et servi dans la foulée. Beaujolais s’exclame frisette alors que nous en étions encore à plonger nos tarins dans le verre. La terrible envie de transformer frisette en rosette ou en Jésus enchristé se lisait dans l’œil de notre hôte. Sentant le vent du boulet arriver, Jeanda se replonge dans son verre pour y découvrir du fruit et du … fruit, ce qui le conforte dans sa décision. Pourtant, que la montagne est belle, le nez est très expressif, très fuité certes, mais avec de la race, de l’élégance, de la framboise, de la cerise, de la violette, de la prune et une touche de terre humide. La bouche est fine, encore très jeune, c’est étoffé, les tannins sont encore légèrement durs et la finale est harmonieuse. Excellent  Romanée Conti 2007 Domaine de la Romanée Conti

Boire une DRC est toujours un moment émouvant, rare et unique. Devant un tel monument, on ne doit jamais faire la fine bouche ou être irrespectueux. Mais, à l’aveugle, en premier vin, sans préparation, la tâche est ardue. Avec le recul, même si ça reste une belle bouteille, cette Romanée Conti a déçu. Je ne crois plus en rien, même plus en la Sainte DRC.. Je ne crois ni en dieu, ni en Bill Gates, pour les mêmes raisons, plus ou moins, des mises à jour douteuses, ni que l’internationale sera le genre humain, ni que le jour de gloire est arrivé, ni au régime Ducon, ni aux promesses électorales, ni au point G, ni à la bombe H, ni à la crise, ni à la reprise, ni au Socialisme sauveur de l’humanité, ni que les Ricains aient mis, un jour, le pied sur la lune, ni en l’avenir, ni au passé, surtout le passé simple, ni au complot mondial visant me convaincre que Jésus serait en fait devenu Didier Raoult, mais je crois, je suis même sur que Meursault et Vosne sont l’Eden du vin, même s’il ne faut jamais péter plus haut que son cru.

Après la Romane Conti, c’est toujours de la Romanée Conti, mais Bulgare, ce qui relativise un peu la performance. Un nez expressif, plutôt élégant, épicé, sur les fruits noirs, la violette, le caramel et le zan. En bouche c’est un peu moins engageant, bois marqué, acidité basse, léger sucre assez déroutant, des tannins saillants et une longueur moyenne. Bien+  Zar Siméon Réserva 2003

Un nez puissant, cerise, mure, violette et épices. La bouche est corsée, concentrée, c’est structuré sur un gros jus, des tannins fondus et une longue finale fruitée. Ce serait parfait s’il n’y avait pas quelques notes bizarres (liégeuses ?). St Julien Château Léoville-Poyferré 1982

Une robe foncée, violette, un bouquet de fruits et de fleurs, mure, cerise, prune, fleurs capiteuses, truffe et une touche de chêne fondu. En bouche, c’est une caresse, de la douceur, de la souplesse, de la maturité tannique, un fruit croquant et une très longue caresse minérale finale. Grand vin Pomerol Clinet 1988

Château Haut Brion – Pessac-Léognan 1995

Un nez très aromatique, racé, sur les épices, la violette, les fruits noirs, une pointe minérale et des notes de cèdre très classe. En bouche, c’est parfaitement équilibré, les tannins sont soyeux, c’est dense et rond à la fois et cela évolue tout en finesse et la finale est grande. Excellent Pessac-Léognan Château Haut-Brion 1995

Un nez sur le cèdre, les fruits noirs, les épices, de la pierre sèche, de la réglisse et une touche mentholée. La bouche est ample, étoffée, parfaitement équilibrée, mentholée, les tannins sont soyeux et la finale grandiose. Un Grand vin au potentiel énorme encore Pauillac Château Lafite Rothschild 1986

Un nez sur les fruits noirs, les épices et une touche de menthe fraiche. La bouche est forte, un peu sucrée et pas très longue. Dur de passer après des monstres Côte-rôtie 1982 Jaboulet-Verschères

Un nez complexe, sur la prune, les fruits noirs, les épices, la menthe fraiche, un peu de cuir et de champignon.   La bouche est fraiche, tendue, un équilibre magnifique, les tannins, comme le bois, sont fondus et la finale est longue, minérale et réglissée. Excellent Hermitage Le Gréal 1991 Domaine Sorel

Un nez typiquement Côte-Rôtie, lardée, fumée, sur les fruits noirs, les épices, les framboises, les notes de garrigue, de violette, de balsamique … La bouche est précise, tendue, élancée, les tannins sont denses mais bien enrobés et c’est bien l’acidité, haute, qui fait la colonne vertébrale du vin. Un vin d’une grande buvabilité et d’une fraicheur vivifiante.  Excellent Côte-Rôtie 2006 Domaine Jamet

Belle note de cerise noire, de framboise, de confiture de mûre, d’olive et de graphite. La bouche est dense, les tannins sont marqués, l’acidité bien présente avec une douceur sur la finale, longue et minérale. Très bien Fonsalette Cuvée Syrah 2006

On a terminé par un vin Georgien intéressant (Seperavi Qufuzi), un vin Ukrainien (Shabo grande réserve) et un classique Pinot Gris St Urbain 1992 d’Olivier Humbrecht dont j’ai gardé peu de souvenir, la faute à l’accumulation de bonne chaire et de bon vin, mais aussi à l’accumulation de commentaires de mon voisin de gauche, le susnommé Jeanda. Il est 3heures du mat, j’ai les dents du fonds qui baignent et le cervelas en compote, on vient juste de finir le dessert, Frodon (Jeanda) est vif comme une ablette qui vient d’échapper à un brochet. L’épisode Romanée Conti était loin, il m’a raconté sa relation houleuse avec son berger allemand qui fait une dépression canine suite à une saillie ratée, ses problèmes suite à une infection du téton. Il a gravé sur la table un symbole en gaélique avec son couteau qui signifie textuellement : « La DRC c’est pour les prolos », il a réajusté son string et il est partie en sifflotant le pont en la rivière Kwai en araméen. C’est là que je me suis dis que le string, pouvait contenir une moule, une raie, un barbu, un frisé et qu’il y a souvent un maquereau qui tourne autour. Ça fait du bien de passer des petites soirées beaujolaises comme ça, à refaire. Croix de bois, croix de fer, si je mens, tu vas en enfer …