Chassez le vin naturel, il revient au Kanonkop

On vit dans un monde où tu peux même plus organiser une soiffardise tranquillou sans qu’un Blogueur, youtubeur, instagramer ou un autre débile consanguin, en manque d’indignations, qui envahissent la planète pour abrutir nos enfants, ne débarque chez toi en hurlant « n’êtes-vous pas contre l’alcoolisme mondain ? » A cette question existentielle, j’aurai tendance à répondre par un classique coup de boule – high kick, mais le décence, mon éducation et le fait que je ne lève plus la jambe au-dessus de 10 cm, me pousse à répondre poliment par un : « va te faire conchier, orchidoclaste, hiabrena et arrière-faix de truie larde« .  En gros, je lui demande gentiment d’aller se souiller d’excrément, je le traite de briseur de couille, de chiure de merde et d’être issu du placenta d’une truie infestée de vermines. L’ensemble est imagé, simple, efficace, teinté de pléonasme et assez proche de ce que je pense de certains influenceurs et de quelques autres personnes. Mais attention, sous prétexte d’être en fin d’année et chez votre médecin, il ne faut surtout pas répondre : « en 2023, j’arrête de boire ! » Malheur et damnation éternelle, surtout pas cette année. Avec ce qui nous tombe sur la trombine depuis 4 ans, il ne faut pas être marabout de ficelle pour deviner qu’elle sera pénible et qu’avec nos politiques au temps de réaction égal à celui d’une éponge marine, on n’a pas sortis le cul des ronces. Vous pouvez me faire confiance, je suis doté d’un vrai talent divinatoire. En effet, je lis l’avenir dans la Romanée-Conti 59, éventuellement dans le Petrus 61. Je signale que toutes mes consultations sont gratuites : il suffit juste de m’amener de quoi lire.  

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Faut pas prendre les messies pour des gens ternes

Après cette soirée dantesque, digne de la divine comédie, je me retrouve, la gueule enfarinée, l’estomac dans le melon, la tête comme un orgue de barbarie désaccordé, dans une église, ne sachant pas où je suis et ce que je fais là. A mes côté, Ranulphe enterre son prof de rumba javanaise pour Illuminati illuminé, décédé d’un arrêt de respiration accidentel.

La grâce de notre Seigneur Jésus-Christ, l’amour de Dieu le père et la communion de l’Esprit Saint soient toujours avec vous. Hurla le prêtre
– « Et avec votre esprit« , repris la foule en délire.

Putain, ma tête allait exploser, pareil qu’au concert de Led Zep dans la patinoire de Mannheim quand 20.000 GI reprenaient Stairway to Heaven. Le prêtre ne hurlait pas vraiment, mais la réverbération s’attaquait cruellement à mon système aussi auditif que nerveux. Après avoir célébré le culte de la dive bouteille toute la nuit, faut avoir le foi et le foie solide pour se faire traiter d’infect pécheur pendant une heure par un type habillé comme un clown qui aurait rencontré un Drag Queen. Comme les occasions de rigoler ne sont pas si nombreuses, Ranulphe a eu l’excellente idée de me proposer de l’accompagner et de m’inviter dans un resto où la côte de Bœuf est aussi prometteuse que la bouteille de Chambertin qui devrait l’accompagner. Je suis prêt à tout pour un Chambertin, même renier ma devise : « ni Dieu, ni Maître, même nageur« .

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Fermez la parenthèse et ouvrez les guillerets

En pleine soirée, Jean le Haut-Rhinois me demande :  « mais au fait, tu fais quoi comme job ? ».
Je réponds prestement et fièrement : « fermeur de parenthèse » !
« Et tu en es arrivé là comment ? Ça gagne bien ? »
« En y allant directement, mais pour la caillasse, ça dépend de la spécialité que tu choisis. Pour ma part, j’ai opté pour le classique, douze ans d’orthographe générale et de grammaire, suivis de cinq années de ponctuation et pose de virgule chez Nike. Je pensais me spécialiser dans le tiret cadratin mais j’ai opté pour le point de suspension, qui est beaucoup moins plat et laisse planer un doute« .
Face au regard circonflexe de mon interlocuteur, je poursuis, « j’interviens toujours en collaboration avec un ouvreur de parenthèse, c’est un travail collaboratif, même si tu ne sais jamais sur quel ouvreur tu vas tomber, je fais de belles rencontres. J’évite de travailler sur du Proust, trop de travail, je lui préfère Frederic Dard, c’est bien plus fun.  Pour gagner du temps, j’utilise une planche de surf pour glisser sur les phrases, des patins à roulettes pour tournicoter autour des accents, un trampoline pour rebondir sur les apostrophes ou des skis pour slalomer entre les mots ».

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Mémoire de nos verres

Oui, nos verres ont une mémoire, la mémoire de ce que nous avons grumer, bu, gouter, déguster, savourer et parfois même recracher. Se souvenir des belles quilles ! J’ai une excellente mémoire, pas assez bonne pour me souvenir où j’ai bien pu mettre mes clés de voiture, mais suffisante pour me souvenir d’un extraordinaire Monbazillac 1937 qui avait grignoté tous ses sucres, d’un non moins superbe Barolo Montfortino de Conterno qui avait mangé ses tannins. Je me souviens d’un anniversaire très british, un tourbillon de grands vins, Montrachet DRC, Riesling Hugel VT 1953, Chave 1990 et un extraordinaire Haut-Brion 1933. Je pourrais ajouter un fou rire avec un Amarone, la bergamote d’un Clos du Mesnil 1990, la rose d’un Richebourg 99 ou d’un Clos de Bèze 1999 de Groffier, le touché de bouche d’une Conti 1996, la violette d’une Mouline 1999, le bois de santal d’une Unico Especial, l’empreinte de la lave dans un Rangen SGN 1998, la classe pure d’un Latour 1975, la douceur d’un Musigny 2001 de Vogüé ou une Astéroïde pour aller direct dans les étoiles.

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Kapital Humain, la dure lutte des clashs

On peut rire de tout, de l’humour, rire de soi et même de son travail ! D’ailleurs, les entreprises n’ont jamais trop aimé les travailleurs, elles les rangent au poste « charges » et pas au poste « actifs », là où sont rangées les machines. Les machines ne se syndicalisent pas, ne brulent pas de pneus devant les usines, ne séquestrent pas les patrons, ne les tue pas, en tout cas pas encore ! Les nouveaux travailleurs sont désengagés, se moquent de leur entreprise sur Twitter sous le pseudo de Fantômasdu93, ou pire collent des virus dans les fichiers Excel en se prenant pour Jean Moulin. Si tu modifies leurs conditions de travail, ils font grimper le taux d’absentéisme de 25%, au motif que la pose clope a été réduite de moitié. Du coup, on en vient presque à regretter l’époque où on pouvait les ranger les uns contre les autres comme des sardines dans un grand bateau et les envoyer ramasser des bananes à Hollywood.

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Faut pas prendre les enfants du con vieux pour des pinards sauvages

J’ai un an de plus et je m’en branle. Rire de tous est excellent pour la santé mentale et physique de tous. C’est pourquoi la moitié de la planète regarde des vidéos de chaton qui tombe dans les toilettes. Une équipe de chercheurs en mal de trouvaille a démontré que le rire et l’humour pouvaient augmenter notre tolérance à la douleur et améliorer notre qualité de vie par la libération d’endorphines. L’humour a également la capacité de renforcer nos fonctions immunitaires, il peut aussi réduire le stress, nous aider à faire face à l’isolement, nous aider à nous supporter et augmenter l’estime de soi, la résilience et le bien-être. Il peut aussi guérir du cancer, du sida, du paludisme, de la covid et de la connerie congénitale, à condition d’être assez con pour y croire. Il peut aussi faire revenir l’être aimé, régler vos problèmes d’argent ou d’impuissance, restaurer votre PC ou réparer à distance, par télépathie, vos problèmes de plomberie. Le jour du big bang, il n’y avait surement pas de quoi rire, mais l’humour était né.

 

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A la foire aux cancres, on compte les bouses à la fin

Ce soir, c’est le bal des cancres, nos deux profs désagrégés ont invité deux autres profs pour nous faire la leçon de terroir. On a quand même à faire à l’élite de l’institution scolaire, celle de Jules Ferry, pas Jean, celui qui a inventé l’instruction obligatoire, mais aussi laïque. C’est à ce moment que le sacré a laissé la place à l’élu, l’auguste, l’instituteur … Celui qui a pour mission, en même temps qu’il apprend aux enfants à lire et à écrire, leur enseigne aussi ces règles élémentaires de la vie morale qui ne sont pas moins universellement acceptées que celles du langage, du calcul, du glandage et de la cancritude. Avec ce genre de prof, l’échelle des valeurs est en train de perdre ses barreaux. Rousseau, pas Armand, mais Jean-Jacques, a dit, l’homme est naturellement bon, c’est sûr, il ne connaissait pas Rage et JeanDa. Avec nos deux maitres es cépage, c’est le cercle des dégustateurs disparus. Dans ce duo de chevalier du partiel, celui qui me fascine, c’est JeanDa, il est capable d’expliquer tout ce que tu veux savoir sur un vin, sans même le connaitre, sans jamais l’avoir bu, c’est sa force ! JeanDa, pour qui, ne pas pouvoir revenir en arrière est une forme de progression, dispose de six sens : l’ouïe, la vue, l’odorat, le toucher, le mauvais goût et la tanicité. C’est un excellent skieur, même si ces élèves pensent qui ferait mieux de faire de l’avalanche plutôt que du ski.

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Ainsi vieillissait Zarathoustra

Parfois, une discussion à la fraiche, après une paëlla gargantuesque parfaitement arrosée de vieux vins, incite au papotage philosophique. La philosophie, l’histoire des idées a longtemps fixé un âge idéal, un summum de la vie (acmè) au-delà duquel celle-ci ne serait plus qu’une longue descente vers la dégénérescence et la mort. Aristote le fixait à 49 ans environ. Cette conception d’un point culminant de l’existence a perduré avec le mythe romantique du génie mort au sommet de sa gloire : Évariste Galois, James Dean, Tupac, Basquiat, Hendrix, Morrison, Ayrton Senna et Claude François qui pourtant étaient tous les deux d’excellent conducteurs … Montaigne, parlant de sa propre vieillesse dans ses Essais, estimait que c’est à l’âge de 30 ans qu’il aurait entamé sa vieillesse : « Depuis cet âge, mon esprit et mon corps ont plus diminué, qu’augmenté « . Mais la phrase la plus cruelle nous vient de Nietzsche, qui remet en en ces termes la vieillesse à sa place : « On a tort de permettre au soir de juger le jour, car trop souvent alors la fatigue se fait juge de la force« . Certaines sociétés, comme la Nouvelle Guinée, savent parfaitement accorder un rôle social prépondérant aux Anciens et ceux-ci ne connaissent pas certains maux comme l’isolement. La vieillesse, peut être aussi l’occasion de s’accomplir pleinement. C’est d’ailleurs la perspective de plus en plus de seniors s’opposant au jeunisme, non pas refuser la vieillesse, mais bien la vivre. C’est l’avis de Rousseau, pour qui l’homme se définit par sa perfectibilité, ce qui signifie qu’il n’y a plus de sommet dans l’existence, et que nous continuons à nous accomplir jusqu’à la fin de notre vie. Le philosophe des Lumières estime, dans ses Rêveries d’un promeneur solitaire, que « la jeunesse est le temps d’étudier la sagesse, la vieillesse est le temps de la pratiquer« . A quoi servirait-il d’apprendre, d’accumuler de l’expérience pendant l’âge adulte, si ce n’est pour pouvoir jouir un jour des avantages de cet âge ?

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L’idéal pique-nique d’un chimiste idéaliste

Chez le serpent, on a nos habitudes, quand le thermomètre consent enfin à monter dans les tours, on organise « the pique-nique » à la belle étoile. Attention, il ne s’agit pas ici d’un vulgaire casse-croûte vite fait, mal fait, d’un gouter de chérubins libidineux, d’une collation de bobo ou d’un mâchon avec boites manufacturées, genre chips goût barbecue scandinave, d’une ration de combat tchétchène ou d’une salade de nouilles sous préservatif. Non, chez le serpent, c’est du lourd, du fait main, du pénible pour l’estomac, il faut que ça envoie des calories, que ça fouette les papilles et le nez, que ça cause au gosier question jus de raisin. Attention, il ne faut pas venir avec de la futaille de chardonnay, c’est pas un menu sur l’herbe à galipette qu’on prépare, c’est un déjeuner de rois, de princes, la tournée des grands-ducs de Bourgogne, un festin campagnard, des ripailles bocagères, pas une partouze à vinasse. Pour ce qui concerne les us et coutumes, le Jeanda s’accroche à son train de côte de bœuf comme la vérole au bas clergé, il lui faut sa viande amoureusement cuite dans le vin blanc avec un train d’oignons nouveaux et une rafale de légumes. On lui oppose la jurisprudence soiffarde, jamais le même plat deux années de suite.…

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Théorie du dualisme minéral et autres cauchemars

Longtemps l’apanage des eaux, la minéralité envahie le monde de la dégustation du vin. La minéralité est un qualificatif de plus en plus utilisé. Pourtant il existe depuis toujours. Pendant longtemps, en Alsace, c’était le goût de pétrole, en Bourgogne, ce sont des odeurs soufrées, de silex, de poudre à canon, des arômes brûlés, voire oxydés. Dans d’autres régions, la minéralité s’apparente à la mine de crayon, au graphite, ou encore à l’encre. Pour avoir goûté en compagnie de quelques stakhanovistes du goulot, il semblerait qu’un vin minéral ait plutôt une acidité marquée et qu’il soit un rien austère. Le mot « minéralité » est souvent employé mais jamais défini. Et c’est là son principal problème. Tout d’abord, la minéralité est une notion subjective, donc non mesurable, contrairement à l’acidité. Et, non contente d’être une notion on ne peut plus subjective, elle peut recouvrir des choses assez différentes. D’abord, et c’est le côté le plus facile, il y a les arômes dits minéraux que l’on trouve dans certains vins : les arômes de pierre à fusil, de silex, de pierre sèche et on peut même y ajouter les arômes pétrolés bien que l’origine des arômes pétrolés soit discutable et discutée. Nous avons également la minéralité en bouche, les notes salines sont souvent qualifiées de minérales, ce sont des impressions tactiles ou gustatives et les explications ou définitions avancées sont toujours faciles à tourner en dérision. Pour certains, « minéral » s’opposerait à « pute »! Un nouveau messie autoproclamé de la dégustation n’hésite pas dans un de ses commentaires à dire : « un vin à la minéralité sous-jacente qui exhale des parfums d’eau de vie et termine sur une eau de roche … » Jésus transformait l’eau en vin, notre Messie vineux nous la fait à l’envers …

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