Jeudi dernier, à la cantine, j’étais en train de terminer mon île flottante, absorbé dans mes pensées comme un aigle royal qui se laisse emporter par le vent de la steppe, quand une collègue a coupé net mon vol majestueux, m’a regardé avec étonnement, puis m’a demandé si tout allait bien avec l’air de penser que j’étais en train de burnouter. J’ai eu l’irrépressible envie de lui rétorquer quelques amabilités du genre qu’elle était plus belle de fesses que de face, qu’elle tenait surement beaucoup mieux sur le dos qu’une chèvre sur ses cornes, qu’elle était tellement conne que si elle voyait une plus conne qu’elle dans un bocal, elle casserait le bocal pour prendre sa place ! j’aurai certainement fini par avouer à cette ex-majorette que la seule différence entre elle et un cheval, tient en un seul chromosome, un seul, celui qui l’empêche de chier en défilant. Comme j’ai été bien élevé par quelques moines cisterciens et que passer pour un goujat n’est pas dans mes habitudes, j’ai eu un éclair de génie. Je l’ai regardée et je lui ai dit : « Elämä on yksisilmäinen huora ja jälkiruokani on hänen silmänsä ».
Devant son air ahuri de majorette dégénérée, j’ai senti un mélange d’admiration et de respect. Quand je lui ai dit que c’était du sisu finois, là j’ai franchi le cap du philosophe et de l’érudit… Cela veut dire quoi ? qu’elle lâcha comme un pet. « La vie est une pute borgne et mon dessert est son œil« . C’est beau ajouta-t-elle. Comme elle n’avait visiblement pas compris, j’ai ajouté : « Pieni merenneito saattaa pestä pilluaan joka päivä, mutta se haisee aina homeelta! » en forme de coup de grâce. Cela veut dire quoi ? qu’elle lâcha comme un deuxième pet. « La petite sirène a beau se laver le minou tous les jours, elle sentira toujours la moule ! » Là, le soufflé est retombé comme une vieille mayonnaise avariée. Elle s’est retournée et ne m’a plus jamais adressé la parole de l’année et moi, j’ai pu terminer mon ile flottante tranquillement. La clé du bonheur ultime se trouve en Finlande et dans une ile flottante. Les Finlandais sont des gens heureux grâce au sisu. Le sisu finlandais est quelque chose de si simple et évident qu’il faudrait une encyclopédie pour expliquer ce dont il s’agit. Le terme « sisu » n’a pas d’équivalent en français, il est même bizarre qu’aucun mot français ne commence par sisu.
Littéralement, il signifie les tripes, une très ancienne croyance selon laquelle la force prend sa source dans le ventre, dans ses tripes. C’est l’art finlandais du courage, un trait de caractère qui englobe le stoïcisme, la résistance, le courage, la bravoure, la volonté, la ténacité et la résilience. C’est l’aptitude à dépasser ses limites, que les Finlandais traduise en acte en allant se baigner dans de l’eau glacée avant d’aller se dorer la couenne dans des saunas surchauffés tout en buvant de l’aquavit et en inventant des proverbes à la con. C’est là que j’ai découvert l’art des proverbes finois pour avoir la paix à table. Si le gêneur, la raseur, le casse-pied, le parasite, l’empêcheur de manger en paix est un homme, sert lui ce proverbe aussi finois que sournois : « os unohdit tonnikalan salaattiin, älä unohda, että vaimosi on pöydässä. » Qui veut dire : « Si dans ta salade, t’as oublié le thon, n’oublie jamais qu’il y aura ta femme à table« . A coup sûr, tu finiras ton assiette tranquille. Comme on est mieux ici qu’ailleurs et pas là pour vendre du muguet, on démarre la soirée avec des bulles et deux verres, puisque les verres c’est comme les seins, un c’est pas assez et trois c’est trop.
La bulle est fine. Joli nez sur la paille, les agrumes confits, les fruits jaunes et la fleur blanche. L’attaque est vive, la matière est légèrement beurrée. C’est gourmand, frais, intense avec un bel équilibre et une jolie finale sur de beaux amers. Champagne GC VP Extra Brut Egly-Ouriet
Un nez pâtissier, gâteau sec et fruits jaunes. Une bouche puissante, ample, généreuse mais qui manque un poil de subtilité et de longueur. Champagne « Vozemieux » Blanc de Blancs GC Robert Montcuit
Un OVNI orange, 100% petit Manseng, vinifié en amphore puis en barrique au nez insolite et baroque, un peu schnaps, poivre, gentiane … Une bouche ample presque tannique, un équilibre unique, 16° quand même. Un vin rare qui ne ressemble à aucun autre mais somme toute assez plaisant même si ce n’est pas ma tasse de thé. Jurançon « Iranja » vin orange 2020 Domaine Camin Larredya
Un nez discret et glycérolé, sur des notes d’abricot, d’agrume confit, de gentiane, de chèvrefeuille, de miel et de pierre. La bouche est concentrée, épicée, petite acidité et de beaux amers en finale. Un vin très complexe Condrieu Coteau de Vernon 2020 Domaine Vernay
Un nez un peu timide, fromager au départ, puis des arômes iodés, de miel, d’anis, de fleurs blanches et d’amande, presque Chablisien. La bouche est fine, petite acidité, bel équilibre et finale moyenne. Un Grillet subtil mais encore sur la réserve. Château Grillet 2018
Le nez part un peu dans tous les sens, beurre rance (heureusement passager), agrume, fleurs blanches et fumée. Une bouche grassouillette mais soutenue par une belle acidité, équilibre, léger bois et finale assez longue. Chablis Clos Béru 2019
Nez peu causant, pas très net, un peu lactique, iode et paille sèche nous ramènent à Chablis. La bouche est assez plate, pas très causante même si la matière et généreuse. Ce qui me gêne, ce sont ces arômes de croûtes de fromages très souvent perçus chez Dauvissat, ce petit miellé pierreux qu’on retrouve sur les comtés âgés, ces petites odeurs de fromages qui puent. Le vin, c’est la subjectivité des goûts, mais le fromage, je le préfère dans mon assiette, pas dans mon verre. Chablis Montée de Tonnerre 2016 Domaine Dauvissat
Nez minéral aux notes d’agrumes, de fleurs, de réglisse et de caramel qui révèlent un côté sauvage. La bouche s’équilibre entre une belle fraîcheur et un fruité charnu. Belle présence et longue finale fruitée. Un vin gourmand, fruité avec une belle finale minérale. Montlouis Clos du Breuil 2008 François Chidaine
Nez puissant avec une touche oxydative, sur le caramel, la cire d’abeille, les fruits jaunes, quelques notes exotiques et même des notes de pétrole et d’iode. La bouche est généreuse, ample, équilibrée par une acidité qui apporte de la fraicheur à l’ensemble. L’élevage est parfaitement intégré et la longueur finit de nous convaincre. Saumur-Champigny Brézé 2008 Clos Rougeard
Ce Corton Charlemagne se caractérise par sa subtilité, ce n’est pas très expressif, mais c’est très minéral, sur de belles notes de chèvrefeuille, de fleurs blanches, d’agrumes confit et de miel d’acacia. La bouche est fine pour un Corton, l’équilibre est présent grâce à une belle acidité qui tend la longue finale minérale. Un vin qui gagnera à être encavé quelques temps. Corton-Charlemagne 2018 Chandon de Briaille
Un classique de nos dégustations, un nez sur l’anis, les fleurs blanches, le miel et les agrumes confit. Une bouche puissante et parfaitement équilibrée, minérale, pure avec une superbe finale sur de beaux amers. Corton-Charlemagne 2015 Tollot Beaut
Un peu de volatile, un peu de réduction, du caramel, ça part mal, du beurre, amande, croisant chaud, fleurs blanches, fruits secs et agrumes au nez. Grosse matière, un peu de bois, c’est onctueux, un équilibre sur le gras, une acidité basse et longue persistance. Un plaisir un peu tronqué pour ce Chevalier qui manque de finesse, de subtilité, de magie mais qui reste un excellent vin. Chevalier-Montrachet 2018 Bruno Colin
Un nez tourbé et oxydé qui me fait énormément penser à un savagnin, noix fraiche, sésame grillé, citron confit. La bouche est rondelette, grasse et pas très tendue. C’est très minéral avec une belle persistance. Un vin qui me semble déjà fatigué, pas le genre de vin qui se glougloutte pour le plaisir. Le Clos de la Tour de Curon 2017 Domaine Tissot
Une série de blancs « incroyable », dixit mon voisin de gauche, l’incroyable Jean, qui partage un terrible secret avec l’incroyable Hulk, c’est de beaucoup parler minéral et d’avoir la main verte. « Mielipiteet ovat kuin luodinreiät, jokaisella on omansa! », ce qui veut dire : « les avis c’est comme les trous de balles, chacun a le sien ! » Mais l’animal n’avait pas bien saisie le message, il ma lança un : « Curon, c’est incroyable, il est jeune et il a l’air vieux, alors que les Corton, c’est l’inverse« . De deux choses lune, l’autre c’est le soleil, avec un nez pareil, il ferait mieux d’aller chercher des truffes plutôt que de me beurrer la raie, ma terrine de poisson mérite le silence et mon Chevalier du fiel. J’ai eu l’irrépressible envie de lui couper le cou, en plus, je connais une technique que m’a enseigné un moine Boukistanais pour occire 4 gonzes avec une feuille morte, il a de la chance d’être seul, l’incroyable jeannot. Alors, avant que cela ne se termine en conflit de canard, une fois encore, un proverbe finois m’a permis de retourner la situation : « Pierulokki, varo myrskyä »( Mouette qui pète, gare à la tempête). V’la ti pas qu’il me répond : « Jos Jeesus Kristus olisi kuollut paaleena, Gay Pride olisi uskonnollinen kulkue » (Si Jésus Christ était mort empalé, la Gay Pride serait une procession religieuse). Comme quoi, il ne faut jamais sous-estimer le caractère prévisible de la connerie Finoise, on a terminé la soirée bon pote en se balançant des proverbes finlandais et portugais.
Un nez solaire, sur les fruits noirs, mûre et cassis, la réglisse et la livèche. La bouche est ample, beurré, boisée, acidité mordante et petite finale. On est très loin de Volnay, la table était en Languedoc … Décidemment, les Contes Lafon et moi, c’est une histoire en dent de scie. Volnay 2005 Domaine des Contes Lafon
Un nez sur la framboise, la gentiane, les épices, la menthe fraiche et la cerise noire. En bouche, on retrouve le caractère de Volnay, douceur, onctuosité, sève et chaleureux en finale. Volnay 1er cru 2008 Domaine Coche-Dury
Un nez exubérant et d’une grande puissance, sur la violette, les fruits noirs, la garrigue et le tabac blond. La bouche est à la fois puissante, robuste et d’une extrême délicatesse, les tanins sont encore présents, sans excès, l’acidité est fine mais participe à la longue finale très légèrement tertiaire. Plus qu’un cépage le mourvèdre a une vertu rare en notre monde empressé, celle de l’attente. Bandol Château Vannières 2005
Superbe nez qui se livre sans retenue, sur les épices, la cerise noire, la mûre et de magnifiques arômes de truffe et de fleurs capiteuses. La bouche est structurée autour d’un tanin mûr couplé à une acidité fortifiante. La finale est superbe, très longue et sur des épices gourmandes. Bandol La tourtinne 2005 Domaine Tempé
Nez expressif et pur, sur la prune, la cerise noire, la framboise, les épices et une petite touche boisée très classe. La bouche est tout aussi plaisante, un fruit éclatant, des épices, un beau toucher de bouche, des tannins encore virils, une grande finale. Il y a de la classe dans ce vin, un respect impérial, un vin que l’on ne tutoie pas, un vin magnifique, Napoléonien qui deviendra grand. Corse Ministre Impérial 2019 Comte Abbatucci
Un nez de cerise noire, des accents de garrigue, de réglisse et de menthe, un côté très sudiste. La bouche est du même acabit, matière ample, tannins présents mais sympathiques, longueur en dedans mais un ensemble très plaisant. Corse Clos Canarelli 2016
Un nez aérien, léger, racinaire, acidulés, sur la framboise, la griotte, les épices. Une bouche à l’opposé, tannique, puissante, solaire, changeante et pas très longue. Pas vraiment emballé par ce vin au gros pedigree mais qui manque de justesse et de profondeur. Latricière-Chambertin 2012 David Duban
Un nez à l’aromatique complexe et délicate, cassis, groseille, zan, épices et noyau de fruit. La bouche est ronde, généreuse, fruitée, portée par une fine acidité qui étire la finale très mûre. Ce Latricière révèle une facette de la typicité de ce terroir, moins spectaculaires que les grands crus voisins, mais capables d’une grande délicatesse. Latricière-Chambertin 2012 Chantal Remy
Là, on rigole moins, le vin est bon, rien à dire sur la qualité intrinsèque, cerise, épices, livèche, c’est classique et bien senti. En bouche, c’est une autre histoire, Il accompagne correctement le faon, la biche et toute sa famille, mais il me reste sur l’estomac. C’est maigre fin, très fin, trop fin. Il n’a ni la puissance, ni le volume, ni la complexité qu’on attend d’un grand cru du domaine. J’ai le sentiment mitigé de ceux qui connaissent le domaine et qui ont dégusté les grands crus plus anciens du domaine. Latricière-Chambertin 2013 Domaine Trapet
On ne va pas se mentir, c’est un putain d’infanticide. Le nez explose de fruits rouges et noirs, d’épices, de violette et de vanille. La bouche est sur le même registre, le monstre est tapi, prêt à passer à l’attaque qui d’ailleurs ne manque ni de peps, ni de puissance. Tout est là pour faire une grande bouteille, profondeur, minéralité, persistante mais l’ensemble est aujourd’hui infernal. Un conseil, remettre ce monstre dans sa cage et dans la cave pour au moins dix ans. Côte-Rôtie La Turque 2012 Domaine Guigal
Nez de fruits noirs, de violette, d’épices, de clou de girofle et une petite touche de bois. La bouche est séduisante, expressive, les tanins sont fins, la matière soyeuse et la finale mentholée. A attendre pour que le vin gagne en complexité, mais aucun doute, le vin est déjà plaisant. Côte-Rôtie La Barbarine 2012 Yves Gangloff
Le nez est très expressif, sur la framboise, la cerise, la groseille, la violette, quelques notes herbacées et de la réglisse. La bouche est précise, ample, la matière fine, l’acidité est assez faible, les tannins un peu marqués et la finale réglissée est longue et fraiche. Pommard Epenots 2019 Philippe Pacalet
L’excellente exquise extase pour finir cette série de rouge. Un nez intense de framboise, de griotte, d’épices, de raffle et de mine de crayon. La bouche est dense et civilisée, le fruit est mûr, ça tapisse le palais. Les tannins sont fins et polis, l’acidité porte une finale longue, gourmande et fruitée. C’est de l’essence de Bourgogne, un vin à l’état pur ! Pommard Les Vignots 2011 Domaine Leroy
Un très beau muscat de gastronomie, sec, intense, sur des notes florales, de miel et d’abricot. La bouche est ample, portée par une belle acidité rafraichissante. Muscat les 3 Demoiselles 2007 Mélanie Pfister
Nez puissant et muscaté, sur les raisins secs, la confiture d’abricots mêlés à des notes de vanille. La saveur est douce, belle matière, longue persistance sur l’abricots et la figues. Passito di Pantelleria 2014 Cantine Florio
Il y a une règle naturelle immuable, tout corps humain plongé, avec ou contre son gré avec une dizaine d’autres êtres humains selon une répartition semi-aléatoire pendant une durée hypothétique se retrouve forcément confronté à un ou plusieurs blaireaux qui lui rendent la soirée encore plus pénible qu’elles l’auraient été sinon. Il existe diverses espèces de blaireaux****, et il est important de bien savoir les distinguer.
La première espèce, sans doute la plus dangereuse, est celle que nous appellerons Jean*. Il est persuadé de tout savoir sur tout et en particulier sur le vin et son incroyable minéralité. Du coup, quel que soit le truc dont t’es en train de discuter quand il débarque, il connaît, il a justement un pote spécialiste en la matière, ou alors c’est lui qui a inventé le truc. Il est sympa, il te donne des tas de bons conseils que tu ne lui as jamais demandé.
La deuxième espèce, nous l’appellerons Ranulphe**, il a ramené son smartphone et il sait tout sur le vin que tu es en train de boire et il ponctue toutes ses phrases par les prix desdites bouteilles. Si tu as le malheur de ne pas partager sa passion pour le vin nature, il te gratifie de fines plaisanteries sur les Portugais et l’homosexualité. Quand il change de sujet, trois minutes par jour, c’est pour parler tuning de Fuego.
L’espèce suivante, nous l’appellerons « hep toi là bas »***. Il est sympa, même très sympa. Il t’adopte en trois minutes. Il aime bien te faire partager ses passions pour la pêche à la grosse, la pétanque, les capsules de bouteille et le sudoku. En général, il t’en cause pendant que tu es en train de parler à ton voisin. Il te considère comme son meilleur pote, du coup il te hèle bruyamment dès que tu passes à moins de dix kilomètres. Du coup, c’est vachement difficile de le croiser sans le voir. Mais bon, faut bien lui reconnaître un avantage, il est idéal pour faire fuir Jean.
* si toi aussi, tu t’appelles Jean, c’est rien de personnel, hein.
** si toi aussi, tu t’appelles Ranulphe, c’est rien de personnel, hein.
** si toi aussi tu t’appelles hep toi là bas, c’est rien de personnel, hein.
*** si toi aussi on t’appelle Blaireau, c’est personnel, hein
Par contre, si tu es un blaireau Finlandais tu sauras traduire ceci : « Tämä teksti on kuin mestattu eunukki, sillä ei ole häntää eikä päätä« *****
**** Ce texte, c’est comme un eunuque décapité, ça n’a ni queue ni tête
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