Le bonheur est un festin de miettes

C’est en écoutant « c’est quand le bonheur » que je me suis dit que je n’aimais pas la variété française, que je n’étais pas converti aux sucrailleuses mélopées de Delerm, Bénabar, Biolay, Cali, Camille, MPokora et consorts quand il pleut. Je suis un traitre à ma patrie musicale, je déteste la chanson française actuelle, un peu comme tout le monde, au fond, mais en pire, comparé à moi, les Khmers rouges sont des humanistes de centre-gauche. En subissant cette chanson, je me suis aussi dit que je ne croyais pas plus au bonheur qu’à la philosophie du bonheur. Je ne crois pas à tous ces marchands de bien-être, de développement personnel, de psychologie positive et taoïste qui nous persuadent que le bonheur ne dépend pas de l’état du monde réel mais du regard que l’on porte sur lui. Va dire à un enfant soldat du Soudan ou du Niger que le prince Harry est l’homme le plus malheureux au monde comme le titre nos journaux. L’idée que le sage est heureux partout, c’est aussi con qu’une bonne publicité. Peut-on être heureux dans un monde malheureux ? C’est une putain de bonne question que m’a posée Ranulphe, cracheur de fistules et prof de philo au Lycée Marc Dutrou de Wevelgem. Pas besoin de faire 30 ans de philo pour comprendre que nous fuyons la douleur, le mal, la solitude et les cons. Que nous préférons tous la joie, les potes, les gueuletons et les petits coups à boire. Le problème, c’est que nous sommes parfaitement capables de définir le malheur et totalement incapable de définir le bonheur.

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Faut pas prendre les enfants du con vieux pour des pinards sauvages

J’ai un an de plus et je m’en branle. Rire de tous est excellent pour la santé mentale et physique de tous. C’est pourquoi la moitié de la planète regarde des vidéos de chaton qui tombe dans les toilettes. Une équipe de chercheurs en mal de trouvaille a démontré que le rire et l’humour pouvaient augmenter notre tolérance à la douleur et améliorer notre qualité de vie par la libération d’endorphines. L’humour a également la capacité de renforcer nos fonctions immunitaires, il peut aussi réduire le stress, nous aider à faire face à l’isolement, nous aider à nous supporter et augmenter l’estime de soi, la résilience et le bien-être. Il peut aussi guérir du cancer, du sida, du paludisme, de la covid et de la connerie congénitale, à condition d’être assez con pour y croire. Il peut aussi faire revenir l’être aimé, régler vos problèmes d’argent ou d’impuissance, restaurer votre PC ou réparer à distance, par télépathie, vos problèmes de plomberie. Le jour du big bang, il n’y avait surement pas de quoi rire, mais l’humour était né.

 

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Ainsi vieillissait Zarathoustra

Parfois, une discussion à la fraiche, après une paëlla gargantuesque parfaitement arrosée de vieux vins, incite au papotage philosophique. La philosophie, l’histoire des idées a longtemps fixé un âge idéal, un summum de la vie (acmè) au-delà duquel celle-ci ne serait plus qu’une longue descente vers la dégénérescence et la mort. Aristote le fixait à 49 ans environ. Cette conception d’un point culminant de l’existence a perduré avec le mythe romantique du génie mort au sommet de sa gloire : Évariste Galois, James Dean, Tupac, Basquiat, Hendrix, Morrison, Ayrton Senna et Claude François qui pourtant étaient tous les deux d’excellent conducteurs … Montaigne, parlant de sa propre vieillesse dans ses Essais, estimait que c’est à l’âge de 30 ans qu’il aurait entamé sa vieillesse : « Depuis cet âge, mon esprit et mon corps ont plus diminué, qu’augmenté « . Mais la phrase la plus cruelle nous vient de Nietzsche, qui remet en en ces termes la vieillesse à sa place : « On a tort de permettre au soir de juger le jour, car trop souvent alors la fatigue se fait juge de la force« . Certaines sociétés, comme la Nouvelle Guinée, savent parfaitement accorder un rôle social prépondérant aux Anciens et ceux-ci ne connaissent pas certains maux comme l’isolement. La vieillesse, peut être aussi l’occasion de s’accomplir pleinement. C’est d’ailleurs la perspective de plus en plus de seniors s’opposant au jeunisme, non pas refuser la vieillesse, mais bien la vivre. C’est l’avis de Rousseau, pour qui l’homme se définit par sa perfectibilité, ce qui signifie qu’il n’y a plus de sommet dans l’existence, et que nous continuons à nous accomplir jusqu’à la fin de notre vie. Le philosophe des Lumières estime, dans ses Rêveries d’un promeneur solitaire, que « la jeunesse est le temps d’étudier la sagesse, la vieillesse est le temps de la pratiquer« . A quoi servirait-il d’apprendre, d’accumuler de l’expérience pendant l’âge adulte, si ce n’est pour pouvoir jouir un jour des avantages de cet âge ?

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L’Insoutenable Légèreté de l’être ou ne pas être

Sans honte, je te le dis, j’ai peur, j’ai les miquettes, la trouille bleue, verte, noire, la sainte trouille, j’ai les foies, la pétoche, les chocottes, je flippe ma race, j’ai les grelots, je balise, je clignote des castagnettes, je fouette du calcif, je sue des tifs, j’ai les boyaux en zigzag, les noix qui font bravo, j’ai les fumerons qui me manquent sous le ballon, bref, je psykote, j’ai peur, je peux même dire que j’ai une petite anxiété. J’ai la certitude désormais qu’ils sont là, Bernard Tapis dans l’ombre, prêts à nous sauter sur le râble, prêt à notre la mettre profond. Nous les croisons tous les jours, ils ont l’apparence d’êtres normaux, mais ils ne sont pas comme nous. Ils mangent comme nous, ils boivent comme nous, ils baisent leurs femmes comme nous, et parfois même la tienne aussi au passage, mais je ne t’ai rien dit. Ils aiment leurs enfants, leurs chiens aussi. Ils n’aiment pas les roux, les Boukistanais, les pandas, comme nous, enfin, surtout comme moi. Bref, ils font tout comme nous … Sauf que ce sont des antivax, des gens pas vaccinés, pas comme nous…

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Vous reprendrez bien un peu de pain sec ?

L’abus de plaisir ne nuit pas au bonheur. Le plaisir de la table est comme l’argent, on peut être heureux dans la ruine mais l’opulence ne nuit pas au bonheur. On ne perd rien à vivre passionné par le vin et la table. Plus la pandémie dure, plus je me pique d’Epicure, 3 fois même, sans craindre les piqures et leur effet soi-disant apocalyptique.  Je n’ai rien contre les antivax qui prennent leur corps pour un temple mais s’enfilent des pastis et du jaja de contrebande en fumant clopes sur clopes, qui se prennent pour des Jean Moulin dans leur maison de vacances à Cannes ou qui parlent de Shoa parce qu’ils ont dû abandonner le golf ou la danse classique. D’un côté on a envie de se dire que c’est leur problème, mais c’est quand même aussi un peu le nôtre puisqu’ils peuvent nous contaminer ou contaminer un proche à qui l’on tient. Aimons-nous quand même les uns dans les autres parce que sinon c’est chiant, mais sans virus de préférence.

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Cet obscur objet du désir, putain de Zeus

De couvre-feu en confinement, nous avons pris conscience que des petites choses auxquelles nous n’accordions pas trop d’importance avant l’arrivée de la pandémie étaient plus importantes que ce que nous pensions. Un apéro entre potes, une ballade en forêts, un petit tour en voiture, un repas bien arrosé, du pécu, le shopping, un petit voyage, un coiffeur. Dans cette guéguerre contre le coronavirus, il n’y avait plus de pénurie que d’ennemi à affronter. Il y a bien internet et ses anges livreurs pour m’apaiser, les réseaux sociaux et leurs fake news pour m’énerver, les coachs sportifs avec leurs tutos à la con, des milliers d’activités à faire seul avec un belle photo de palmiers et de mer turquoise en fonds d’écran. Sur les réseaux sociaux, une palanqué de citoyens, à travers le monde, partagent en ligne leur mal-être, j’ai accès à tout et pourtant il me manque l’essentiel. Avant, c’était avant, j’étais libre de faire ce que bon me semblais, et je ne le faisais pas, et maintenant que ces habitudes sont un souvenirs, ils me manquent. Râler, c’est comme désirer, c’est l’essence même de l’homme. Nous entretenons tous une relation difficile et ambiguë avec nos besoins et nos pulsions, une sorte d’attirante répulsion.

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Ni pour, ni contre, bien au contraire …

Cela faisait longtemps que je n’avais pas pris la plume, enfin, mon clavier à bras le corps, ce qui est la même chose sauf que ce n’est pas pareil. La chose qui me frappe durant cette pandémie, c’est la vitesse, la facilité avec laquelle le quidam moyen, parfois très moyen parfois, est devenu un éminent spécialiste des épidémies, des taux de prévalence, des courbes de mortalité, de la chloroquine, de la vaccination, mais pas trop les gestes barrières, faut pas déconner sur notre liberté de faire la fête dans des rades surpeuplés. Tous, savent exactement ce qu’il est bon ou pas pour l’humanité, bon ou pas de penser sur le sujet. Mais pas moi, j’avoue, je ne me prononce pas. Ce n’est pas que je n’ai aucune opinion sur le sujet, j’ai une opinion, mais masquée. Tous les philosophes vous le diront, l’opinion n’a rien à faire avec la science, “Ce n’est point dans les impressions que réside la science, mais dans le raisonnement sur les impressions”. Je pourrai citer d’autres philosophes, mais je crois qu’on a compris l’idée : la science est du côté de la connaissance, de la certitude, de l’évidence, du raisonnement, de l’absolu, et pas du côté de l’opinion… et pourtant, quand un événement tel qu’une épidémie, vous tombe dessus, doit-on forcément se taire ? Et préférer la sagesse du silence à l’incertitude de l’opinion ?

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Philo, espagnolade, hommage et réflexion vineuse

En cette période de post confinement, à tout bien peser, et le mot est bien choisi, j’ai bien essayé de m’astreindre à de grandes réflexions intellectuelles sur la vie, la mort, la religion, l’amour, la famille, ma place dans la société, l’épanouissement dans le travail, la nature, le réchauffement climatiques ou les nouvelles miches de Nabila, bref, de petits morceaux de métaphysique quotidiens, mais la seule chose qui m’intéresse vraiment, c’est de savourer un agneau noir du Velay cuit dans sa croûte de foin avec une réduction d’œufs brouillés aux truffes et de l’ail en chemise ou une énorme côte de bœuf black Angus maturée avec une béarnaise maison et des frites croustillantes à souhait et salées comme la mer morte. Comme me le répète tous les jours Ranulphe, mon prof de Zumba Groenlandaise, « On ne philosophe bien que le ventre bien plein ». C’est pas faux, mais, comme dans la peinture, le cinéma ou la musique, les artistes ou pseudos artistes d’aujourd’hui cachent trop souvent leur manque d’inspiration, leur misère sous un fumeux étendard : le concept, l’art conceptuel, la philosophie. Et ça marche ! Plus le commentaire est fumeux, nébuleux, plus les marchands font monter la cote et plus les collectionneurs collectionnent et plus le marché marche et plus les prix s’envole comme leur fumeuse théorie.

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Comment ça va ?

Comment ça va ? Question ô combien anodine, mais qui aujourd’hui prend tout son sens. Il y a bien longtemps cette question voulait dire : comment va la selle ? Pas la selle du cheval, nos propres selles, même si les mots propres et selles juxtaposés, ça fait bizarre.  Ausculter ses propres excréments est loin d’être évident pour nous, le sujet est délicat. Et pourtant, ces déchets humains sont révélateurs de ce que nous mangeons, de comment nous métabolisons notre nourriture et ce que nous rendons à la nature, avec grand soulagement et force ventilation parfois. Sans évacuation, point de salut. Le « comment ça va » pullule. Pourtant, je pensais que c’était les trois mots les plus inutiles du monde de la communication. Celui qui y répond ne dit que rarement la vérité, tandis que l’autre ne veut pas vraiment savoir. À l’hypocrisie répond l’hypocrisie. Sans méchanceté ou manipulation bien sûr, mais cela n’empêche pas la conversation de sombrer dans la banalité et la superficialité. Nul cynisme, mais juste un constat. En interrogeant quelqu’un sur sa santé, on n’attend pas de lui qui réponde, qu’il s’allonge sur le divan et raconte ses problèmes existentiels. Pas d’introspection, il faut une réponse aussi concise que positive et passer à autre chose. La seule raison pour laquelle la plupart d’entre nous posions cette question est qu’il semblerait impoli de ne pas le demander. Aujourd’hui, c’est la seule question qu’il faut poser. Je l’ai donc posée à quelques-uns de mes amis imaginaires, en un mot commençons !

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Résiste, prouve que tu existes …

Comme disait la philosophe Lorie, « il faut avoir la positive attitude« , ce à quoi lui répondait sa copine France Gall, « résiste, prouve que tu existes, cherche ton bonheur partout, va, refuse ce monde égoïste, Yeah, yeah, yeah … » Quand notre vie même d’êtres humains est menacée, les questions d’ordre philosophique ressurgissent inévitablement. L’essence même de la philosophie n’est pas seulement de savoir distinguer les différents domaines de la pensée humaine, mais elle réside surtout dans la capacité à lier ces domaines pour constituer une vue d’ensemble du monde et de l’homme. Le philosophe contemple le monde dans son ensemble. La pandémie vient nous rappeler l’importance, et l’urgence, de questions auxquelles les philosophes ont consacré des débats animés. Les questions couvaient sous la cendre. Le virus les a réveillées, et nous donne l’occasion de saisir la pertinence des analyses d’Auguste Comte, le père du positivisme. La société est trop souvent perçue négativement. C’est l’ordre établi, l’État qui tend à étouffer les libertés individuelles. Certains, qui ignorent sans doute tout de Pol Pot, Pinochet ou Loukachenko, jugent aujourd’hui, en France, l’État autoritaire, sinon dictatorial. Le philosophe Alain écrivait que « la corrélation est évidente entre individu et société« , ce qui signifie que l’un n’est rien sans l’autre. C’est ce qu’a exprimé le Président dans son discours : pensons et agissons en solidaires, plutôt qu’en solitaires. Nous ne pouvons faire face à la pandémie que collectivement, mais le comportement de chacun est primordial, car chacun est tributaire des autres. Cela s’appelle une société, justement !

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