Cet obscur objet du désir, putain de Zeus

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De couvre-feu en confinement, nous avons pris conscience que des petites choses auxquelles nous n’accordions pas trop d’importance avant l’arrivée de la pandémie étaient plus importantes que ce que nous pensions. Un apéro entre potes, une ballade en forêts, un petit tour en voiture, un repas bien arrosé, du pécu, le shopping, un petit voyage, un coiffeur. Dans cette guéguerre contre le coronavirus, il n’y avait plus de pénurie que d’ennemi à affronter. Il y a bien internet et ses anges livreurs pour m’apaiser, les réseaux sociaux et leurs fake news pour m’énerver, les coachs sportifs avec leurs tutos à la con, des milliers d’activités à faire seul avec un belle photo de palmiers et de mer turquoise en fonds d’écran. Sur les réseaux sociaux, une palanqué de citoyens, à travers le monde, partagent en ligne leur mal-être, j’ai accès à tout et pourtant il me manque l’essentiel. Avant, c’était avant, j’étais libre de faire ce que bon me semblais, et je ne le faisais pas, et maintenant que ces habitudes sont un souvenirs, ils me manquent. Râler, c’est comme désirer, c’est l’essence même de l’homme. Nous entretenons tous une relation difficile et ambiguë avec nos besoins et nos pulsions, une sorte d’attirante répulsion.


Le premier théoricien du couple désir/manque est sans aucun doute Platon. C’est ainsi que dans le Banquet, il a expliqué que celui qui désire, désire une chose qui lui manque et ne désire pas ce qui ne lui manque pas. Ce qui, en platonicien, voulait dire, mon verre est vide, sers-moi un godet avant que je dessèche sur pied. Une fois réhydraté, il raconta l’histoire d’Himéros, un beau jeune homme qui fut invité à une grande fête. Le soir la fête battant son plein, le vin coulait à flots. Himéros s’enivrera avec excès, dans son délire alcoolique il jette son dévolu sur une jeune femme qui veut lui résister, alors il la viole, puis sombre dans les bras de Morphée jusqu’au lendemain matin. En se réveillant, une fois dégrisé, il apprend le scandale dont il fut l’instigateur. En effet la veille, il a violé sa propre sœur. Fou de désespoir, il court sur la falaise qui domine de hautes gorges et se suicide en se jetant dans l’abime. Zeus ému de cet acte, le ressuscite et le rend immortel en en faisant le Dieu du Désir. Sans vouloir forcer le texte et me mettre dans une posture anachronique et scabreuse, les grecs étaient quand même des sacrés polissons, quand ils ne violaient pas leurs sœurs, c’étaient leurs potes. Pas encore repus, Platon poursuis ses histoires. Selon Aristophane, les premiers humains étaient des frères siamois ou des sœurs siamoises ou des androgynes siamois, va savoir Eloi. Ce qui est sûr, c’est qu’Ils étaient doubles et accédaient à une telle volupté qu’ils en oubliaient de rendre le culte aux dieux et voulaient même rivaliser avec eux. Alors, Zeus, encore lui, courroucé, énervé, irrité, fâché, exaspéré et même un peu chafouin, décida de le scinder en deux, il pratiqua l’opération chirurgicale de séparation des siamois, depuis, les humains recherchent leur double, l’homme ou la femme dont ils ont été séparés par ce con de Zeus. C’est pourquoi le Désir est l’élan vital fondamental des humains. C’est le Désir qui nous pousse à vivre de l’enfance jusqu’à la mort. C’est le moteur de nos motivations, c’est le vecteur de nos volonté, c’est ce qui détermine toutes nos aspirations. Une personne sans aucun Désir témoigne d’une dépression profonde qui menace sa physiologie, sa psychologie, sa sociabilité et explique pourquoi nous regardons notre ombre comme notre double, putain de Zeus… Sur ce Platon, qui a encore soif, me propose de finir avec lui les quelques quilles ouvertes.

Muscat 2018 Zind-Humbrecht : beau nez de pêche, de poire, de fleurs blanches, de miel et de gingembre frais. La bouche est fine, vive, c’est sec avec une forte minéralité et une belle persistance. Très bien

Schœnenbourg 2003 Domaine Marcel Deiss : Le grand cru Schœnenbourg, sans aucun doute un des plus beaux terroirs à riesling de l’Alsace, est un site magnifique et très pentu qui domine le très touristique village de Riquewihr. Le nez de cette complantation (Riesling, Gewurztraminer, Pinot Gris) est magnifique, mandarine, kumquat, abricot, miel et zeste de citron. En bouche, le sucre est présent, sans excès (demi-sec), en partie fondu par le temps, c’est vif, aucune ride et avec une tension finale extraordinaire. Ça me peine un peu de le reconnaitre, mais c’est un formidable grand cru d’Alsace qui a défié le temps.

Meursault Charmes 2011 Domaine Henri Germain : Le triptyque accompli, du fruit, agrumes, poire, des fleurs, acacia, tilleul, une forte minéralité, pierres sèches, pétard, et un plaisir royal. La bouche est ample, douce et puissante, c’est précis et doté d’une longue finale minérale. Un vin et un domaine toujours au top. Un vin qui confirme, une fois de plus, le talent de vinification de ce domaine beaucoup trop discret à mon goût. Superbe

St Joseph cuvée du papy 2009 Stéphane Montez : Très beau nez de fruits noirs, fraise des bois, violette, encens, racine, c’est puissant, fumé et viandé. La bouche est ample, sans lourdeur, belle acidité, de beaux tanins soyeux et une longue finale réglissé. Très bien

Vacqueyras Cuvée Lopy 2010 Domaine le Sang des Cailloux : 75% Grenache, 25% Syrah. Un nez sur le caramel et la réglisse, les fruits noirs compotés, le camphre, la garrigue et des notes viandées. La bouche est corsée avec des tannins fins et soyeux, c’est sèveux, tendu avec une belle trame acide et des notes d’élevage et de graphite sur la finale. J’adore ce vin, méconnu mais toujours excellent.

Clos Bacquey 2000 Elian Da Ros : Une vieille dame surprenante de vitalité, un nez sur les fruits noirs, le café, de réglisse et d’humus. En bouche, c’est vif, un jus puissant et long, plein d’équilibre, qui met en avant de mûre et de champignon. C’est très digeste, les tannins sont souples, c’est rond, suave et long. 20 ans, quelques rides mais une forme olympique. Très bien

Black Guts Shiraz 2017 Rusden : Un nez puissant, très aromatique, sur le cassis, la cerise noire, la mûre, l’encens, la cacao, voir un peu de goudron. En bouche, la texture est impressionnante, puissante et souplesse mêlées, acidité haute, petite sucrosité et longue finale sur les fruits noirs et les épices. Très bien

Stonegarden 2018 Massena Eden Valley : Une magnifique Grenache plantée en 1858 sur un sol limoneux au-dessus d’un substrat d’argile rouge contenant des fragments de quartz rose et de micaschiste noir. Une moitié égrappée et élevée dans un œuf en céramique, l’autre moitié non égrappée et élevée en cuve. Un nez de cerise noire, de mûre, de tabac blond, de graphite, de cappuccino et d’épices. En bouche, c’est total régal, fraicheur, puissance maîtrisée, une acidité équilibrée et des tanins fins et soyeux, très belle et subtile minéralité et une longue finale fruitée. Un beau travail à quatre mains, Jaysen Collins et Glen Monaghan ont produit une future grande bouteille.