Éloges de l’injustice

Selon Schopenhauer, c’est l’injustice qui est première. Sans elle, l’idée de justice serait inutile. On ne parlerait jamais de droit, s’il n’y avait jamais d’injustice. L’idée de justice n’existe, au fond, qu’à partir du moment où il y a un sentiment d’injustice. C’est uniquement de l’égoïsme de l’homme et de sa générosité limitée, que la justice tire son origine. Mais, qu’appelle-t-on injustice et comment se fait-il qu’il puisse y avoir un sentiment qui y soit attaché ? Si la domination est naturelle, le sentiment d’injustice ne serait-il pas simplement le ressentiment abusif des dominés ayant l’impression qu’ils ne sont pas à leur place, alors que cette place est dictée par la nature ? C’est comme si les petits poissons trouvaient injuste d’être avalés par les gros. Par nature, les poissons sont déterminés à nager, les gros à manger les petits en vertu d’un droit naturel. Est-ce pareil chez les humains ?

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Le nihilisme n’est pas mort

Méphistophélès affirme, dans le « Faust » de Goethe : « il serait mieux que rien n’existât, car tout ce qui existe est digne d’être détruit« . Cette pensée, purement nihiliste, est une pensée bourgeoise, snobinarde, faisant bon teint dans les salons et permet de se donner des faux-airs de dandys décalés à ceux qui la déclame, mais en fait, il s’agit d’une pensée et d’une pensée uniquement. Son application est impossible. Personne ne peut suivre réellement ce précepte nihiliste. Mais impossible n’est pas Ranulphe, j’te f’rais dire ! Ranulphe, c’est mon prof de dégustation acrobatique, 3 fois médaillé aux jeux de Beaune, nihiliste de la première heure et fan de Claude François, période EDF. Continuer la lecture de « Le nihilisme n’est pas mort »

La chute du faucon même pas noir

« L’homme souffre si profondément qu’il a dû inventer le rire« , affirme le philosophe Nietzsche. J’avoue qu’hier, vers environ 9h01, je soufrais si profondément que j’ai oublié de rire à la blague de Friedrich Wilhelm le prussien. Arrivé avec une minute de retard à mon premier rendez-vous de la journée, impardonnable, je me précipite vers l’entrée, je mets un pied sur le carrelage givré comme un SDF laissé dehors un soir de février, et décollage immédiat, double lutz avec boucle piquée et atterrissage sur la main. Résultat du jury : 9/10 en note artistique et une fracture du cubitus. Hilarant ! « Je me presse de rire de tout, de peur d’être obligé d’en pleurer« , lance Figaro à son maître dans Le Barbier de Séville de Beaumarchais. Il voulait certainement dire par là, et pourquoi n’irait-il pas par-là, que prendre les événements de manière détachée, en plaisantant, permet, avec le recul qu’implique l’humour, de mieux les supporter. Continuer la lecture de « La chute du faucon même pas noir »

La rincée des douze singes

Nous sommes tous des singes et nous sommes tous des candidats au conditionnement. Prenez douze singes, mettez-les dans une pièce où est accrochée une banane au plafond, et seule une échelle permet d’y accéder. Les singes sont agiles et vont monter sur l’échelle pour prendre les bananes. Oui, mais la pièce a été dotée d’un système de sprinklers qui arrose toute la pièce d’eau glacée dès qu’un singe tente d’escalader l’échelle. Résultat, douche froide pour tous les singes. C’est le conditionnement. Les chimpanzés apprennent très vite que tenter de prendre la banane, c’est faire subir au groupe une douche glacée, et les singes n’aiment pas ça. Ils apprennent en regardant leurs congénères, mais également en tentant eux-mêmes l’escalade. Si l’apprentissage ne se fait pas toujours par expérience individuelle, il se fait très vite par les réactions du groupe. Si un chimpanzé tente l’expérience, les plus vifs et les plus forts se précipitent sur lui pour empêcher que tous ne subissent la douche froide et l’impétueux macaque est remis à sa place à grand coup de pied au cul. Un fois l’apprentissage bien acquis, le système d’eau glacée est désactivé. Les chimpanzés conservent l’expérience acquise et ne tentent pas d’approcher de l’échelle. Bien que ne craignant plus d’être aspergés, les chimpanzés ont consolidé un comportement interdit.

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