La comparaison n’a pas toujours raison

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Friedrich Nietzsche n’avait pas toujours raison, sauf quand il a dit « tous ce qui nous tue nous rend plus mort » ou quand il affirmait que le christianisme et l’alcool étaient les deux plus grands corrupteurs ou quand il écrivait qu’il était absurde de comparer un nihilisme et un humanisme et aussi quand … Bref, il avait quand même souvent raison le Nietzschounet et en plus, il le disait mieux que moi. Il y a toujours matière à comparaison, un peu comme quand tu compares le bide de JeanDa avec l’esprit de déduction de Rage, comparé au vide sidéral, même la bedaine du frisé nous inspirera toujours la grâce d’un éléphanteau dans un musée de porcelaines miniatures. Hormis pour Régis, pour qui le raisonnement reste encore une démarche abstraite, nous avons souvent besoin, pour réellement comprendre certaines choses, d’établir des points de relation avec notre vécu, avec la réalité perceptible par nous.

Aujourd’hui, partout, c’est le degré zéro de la raison, on compare tout et n’importe quoi. Media, hommes politiques et philosophes sont cul et chemise, la posture, l’imposture et la déraison envahit nos écrans et pollue le débat. Un soi-disant intellectuel nous explique, avec le sérieux d’un proctologue cocaïnomane, qu’une chaise laissée vide dans une classe par une élève expulsée, c’est le retour de la chasse aux Juifs sous Vichy. Ce genre d’analogie, de comparaison relève d’une vision infantile et manichéenne du monde, qui veut tout classer dans le bien ou le mal absolu. L’imposture est simple, prenez deux termes sans rapport, trouver un point commun et inférez leur identité totale et tirez une conclusion débile. Je suis brillant, une étoile est brillante, donc je suis est une étoile. Ceux qui me connaissent savent à quel point c’est idiot. On peut même aller plus loin. Une vache est un quadrupède, une chaise a quatre pieds, donc on peut traire une chaise. Ce procédé peut paraître plus bête que méchant, mais il a des effets redoutables sur les masses. Surtout quand il conduit à banaliser ou à délégitimer. On atteint très vite le point Godwin de la comparaison. La « reductio ad Hitlerum« , qui consiste à diaboliser une idée ou une personne en l’identifiant à Hitler. J’ai une moustache et je tiens des propos autoritaires, je suis donc le nouvel Hitler. C’est argument ultime de ceux qui n’ont plus d’arguments, l’aveu de l’impuissance et de la mauvaise foi. Il y a aussi la « reductio ad Judaïcum » (réduction au Juif), qui, inversement, victimise radicalement une catégorie sur la base d’une simple ressemblance. On expulse des Roms en situation irrégulière comme on expulsait des Juifs en Allemagne dans les années 1930, donc Roms et Juifs, même combat. On peut tout mélanger et aller vers l’absurde. Les Israéliens montent un mur de sécurité en Palestine comme les Allemands montaient des murs pour enfermer les Juifs dans des ghettos, donc les Israéliens sont des nazis et les Palestiniens sont des juifs.

verre a moitie pleinOn peut tout démontrer ou réfuter par l’absurde, c’est même ce mécanisme qui fonda la théologie rationnelle et les démonstrations de l’existence de Dieu. La nature ressemble à une horloge, l’horloge est fabriquée par un horloger, donc Dieu est un grand horloger. Mais, si la terre ressemble à un œuf, donc Dieu est une poule. Comme disait Claude François, célèbre philosophe décédé tragiquement dans sa salle de bains pour une bête question de différence de potentiel, « si on va trop loin, on se perd ». Le délire analogique produit par des ressemblances abusives nous plonge dans le surréalisme le plus débridé. La raison est impuissante face aux délires absurdes.

Hier, à l’apéritif, j’ai ouvert une « Bulle d’Argile » de Jean-Louis Denois et une cuvée « Sainte Marie » du même vigneron. On pourrait être tenté de comparer. Même vigneron, Chardonnay et Pinot noir pour la première, sans sulfites ajoutés, Chardonnay et un peu de Chenin pour la deuxième, les mêmes notes boisées et noisettes sur les deux vins, une jolie aromatique, plus de richesse sur le Sainte Marie et du fruit sur les deux. On pourrait être tenté de les comparer, mais comparer l’incomparable n’a pas de sens. Ce serait un peu comme comparer une buse et un ours, ils sont trop différents. La buse ne dort pas l’hiver et les ours n’ont pas d’ailes. Alors, à quoi bon !

Brut d’Argile Crémant Jean-Louis Denois
Cuvée Sainte Marie 2015 Jean-Louis Denois

Sainte Marie Denois