Séparer le bon vin de l’ivresse

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L’ivresse est un thème cher au poète plus qu’au philosophe. Baudelaire nous invitait même à l’ivresse : « Il faut être toujours ivre, tout est là ; c’est l’unique question. Pour ne pas sentir l’horrible fardeau du temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve« . Baudelaire était un adepte du Chasse Spleen, des folies passagères, des dérèglements et de la fuite de soi et du monde. Le philosophe est, quant à lui, un adepte de la démarche rationnelle et range l’ivresse dans ce qui s’oppose à la sagesse plutôt que dans ce qui peut la provoquer et pourtant… L’ivresse dont parle Baudelaire n’est pas une manière de fuir une existence insupportable mais c’est un art ! Elle était, pour lui,  à la fois une déchéance et une source d’inspiration créatrice. L’ivresse comme source d’inspiration n’est donc pas étrangère à la philosophie. C’est l’art de décentrer la banalité.

Boire avec modération est un oxymore. On boit du vin et on s’enivre au banquet de Platon, chez Nietzsche et chez tous les philosophes dionysiaques. Dionysos, le dieu grec à deux visages, celui de l’enivrement et du délire, mais aussi celui de l’inspiration créatrice. C’est le dieu du vin et des pulsions déchainées, le dieu du retour à la nature, le Dieu de nos racines. Ignorer ce dieu, c’est ne rien comprendre aux hommes. Et d’ailleurs, pourquoi le vin nous vient-il toujours en premier quand on parle d’ivresse ? Parce que l’ivresse que procure le vin, le bon vin, occupe une place à part dans les mondes de l’ivresse. On ne se met pas une mine au Chambertin, on ne se prend pas une taule au Montrachet, on ne piche pas la calebasse et on ne se torpille pas au Mouton Rothschild. Il y a l’ivresse glauque de l’Assommoir de Zola, celui qui tire l’ivrogne vers le bas, mais il y a aussi l’ivresse créatrice qui a permis à Shakespeare d’écrire nombre de chefs d’œuvres. « Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse ! » est démenti par la pratique du vin. C’est dans les pays qui ont la culture du vin qu’il y a le moins d’alcoolisme. Cette culture du vin, en particulier en France, permet de valoriser cette sorte d’ivresse-douce qui nous permet de prendre de la hauteur, de l’altitude, de supporter une réalité parfois difficile. L’éducation du vin, c’est une éducation à la sensualité, au goût. La barrière qui sépare l’hédoniste de l’ivrogne n’est pas quantitative mais qualitative. L’ivresse douce du vin est donc du côté de l’hédonisme.

Les romains mettaient de l’eau dans leur vin parce que les vins étaient coupés avec du sucre et des épices pour les stabiliser. Au XIIème siècle, le vin était l’élément fondamental de l’alimentation mais qu’il ne fallait pas le boire pur. Pasteur dira que le vin est la plus saine des boissons mais jamais pur. On retrouve ce rapport de mesure chez certains sommeliers qui recommandent « autant d’eau que de vin à table » pour mieux digérer et s’hydrater. A chacun de trouver sa propre mesure. Certains sont ivres après deux verres, il en faut plus à d’autres. L’ivresse est proche du stoïcisme antique des grecs qui disait que c’est à l’homme lui-même de comprendre quelle est sa propre mesure.

On boit pour ne plus souffrir et on élimine le soufre pour mieux dormir. Catherine et Pierre Breton ne sont pas stoïciens, mais vignerons. Leur « Nuits d’ivresse« , un 100% Cabernet Franc, est un vin nature, sans chimie, sans soufre ajouté, au notes franches de fraise, de mûre, de cassis, de fumée et d’épices. La bouche est minérale, douce, vive et veloutée. C’est plaisant, on pourrait en boire toute la nuit. Au pays de Rabelais et des rêves, on nous invite à l’ivresse, qui n’est rien d’autre qu’un excès de joie et de bonheur ! Hier soir, j’ai passé une excellente nuit d’ivresse.

 

2 réponses sur “Séparer le bon vin de l’ivresse”

  1. Bon, tout n’est pas raccord sur les parties philo et statistiques de l’alcoolisme, mais on devine la pensée (heu, heu, heu…) de l’auteur à laquelle on ne peut qu’adhérer !

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